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Publié le 3 février 2016

L’ouverture à la concurrence des barrages, une aubaine pour la filière

Publié le 23/02/2016

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L’ouverture à la concurrence des barrages hydroélectriques en France pourrait servir à moderniser et développer de nouvelles installations.

La Commission européenne a mis en demeure la France, fin 2015, d’ouvrir à la concurrence les concessions de ses 400 plus grands barrages. Il n’en fallait pas plus pour que les idéologues crient à la privatisation sauvage et au saccage écologique, sous le regard incrédule d’une opinion saturée d’éoliennes et de panneaux photovoltaïques. L’hydroélectricité française est plus qu’un paradoxe : c’est une énigme.

Alors qu’elle fournit plus de 60 % de l’électricité d’origine renouvelable loin devant l’éolien ou le solaire, c’est à peine si les Français ont conscience de son existence. Dans un contexte de lutte contre le changement climatique, cette « puissance verte » fait figure de solution miracle : non-émettrice de CO2, elle constitue la seule forme de stockage d’électricité à grande échelle. Elle permet en outre de répondre à des besoins quotidiens, comme de faire face à des pics de consommation. Qui dit mieux ?

Des investissements supplémentaires

La loi de transition énergétique, qui encadre l’ouverture à la concurrence, va-t-elle réveiller la belle endormie ? Pour ses partisans et face aux leaders français EDF et Engie, l’arrivée sur le marché de champions européens comme les Suisses Alpiq et BKW, l’Allemand E.ON ou l’Italien Enel permettra de bénéficier de savoir-faire nouveaux. Elle se traduira aussi par des investissements supplémentaires dans la modernisation de l’appareil de production.

Des investissements d’autant mieux amortissables que le renouvellement des concessions donnera aux exploitants une plus grande visibilité. La loi prévoit, en outre, la possibilité pour les pouvoirs publics de créer des sociétés d’économie mixte (S.E.M) dans lesquelles l’État et les collectivités locales disposeront de droits de vote à hauteur de 34 % du capital. Autant d’ouvertures qui devraient redonner de l’air à la filière.

Virage écolo

Ses opposants pointent ses conséquences sur la biodiversité. Ce qui était vrai il y a trente ans l’est moins aujourd’hui. D’abord, les infrastructures hydroélectriques représentent 9 % des 15.200 ouvrages qui ont l’obligation de réaliser des aménagements pour garantir l’écoulement des sédiments. Dès les années 1980, la filière a pris en compte les enjeux liés à la migration piscicole. Une prise de conscience qui s’est traduite par le lancement d’un plan d’aménagement de passes à poissons, dans le cadre notamment du « Plan Saumon ».

Les travaux très importants réalisés sur le barrage de Poutès en Haute-Loire ou sur la centrale de Rochemaure en Ardèche prouvent qu’il est possible de concilier exigences écologiques et exploitation des ressources aquatiques. Notons enfin que les professionnels de la filière ont tous signé le 23 juin 2010, la convention d’engagements pour le développement d’une hydroélectricité durable.

Nouvelles perspectives de développement

Dernier obstacle, et non des moindres : la réalité physique. D’après les estimations, la production actuelle représenterait 70 % du potentiel technique exploitable. C’est compter sans d’importantes innovations qui ouvrent des perspectives. Des sociétés françaises comme MJ2 Technologies et Turbiwatt ont mis au point des micro-turbines adaptées à des chutes de 1,20 m et d’un débit de 90 litres par seconde. Il devient possible, comme la loi l’y autorise depuis peu, de produire de l’électricité à partir d’écluses, de moulins, de bases de loisirs, de déversoirs d’étang voire de stations de traitement d’eaux usées.

Ou de construire de petites exploitations dont le coût de construction, qui varie de 1.200 euros à 3.000 euros par kilowatt installé, s’amortit sur des périodes plus courtes proches de 25 ans. HydroQuest, société grenobloise, teste quant à elle depuis une dizaine d’années à Orléans, des hydroliennes fluviales. Amarrées au fond du fleuve, elles fonctionnent sans hélice à l’aide de turbines.

Un système qu’Eel Energy expérimente en mer. S’inspirant des ondulations des animaux marins, ses hydroliennes changent l’énergie cinétique en électricité. En plus de récupérer deux fois plus d’énergie que des éoliennes, elles peuvent être installées sur mille fois plus de sites.

Des territoires à la pointe

Certaines régions s’imposent comme des leaders nationaux. Parmi les exemples les plus emblématiques de cette ambition, on citera le pôle de compétitivité Tenerrdis à Grenoble, l’installation sur le site de Paimpol-Bréhat, d’un prototype d’hydroliennes de nouvelle génération ou la construction, à Brest, d’un polder de 40 hectares  dédié aux énergies marines.

Des initiatives sur lesquelles les pouvoirs publics communiquent peu. Pourtant, en ce début de XXIe siècle, notre pays dispose à foison d’une ressource aussi vitale que rare : l’eau. Si, comme le veut le dicton, la France « n’a pas de pétrole », elle a, en revanche, des fleuves, des côtes et des idées !

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