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Publié le 10 juin 2016

Oui c’est possible de réformer l’Éducation nationale

Publié le 22/05/2016

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HuffpostS’il est en France une politique publique défaillante, c’est celle de l’éducation. Une récente enquête de l’UNICEF est venue le confirmer, en désignant notre pays comme l’un des plus inégalitaires du monde développé, en 35ème position sur 37 systèmes étudiés. Cela signifie qu’en France, l’écart des performances entre les 10 % d’enfants les plus défavorisés et la moyenne des élèves est particulièrement élevé. Non content d’être relativement médiocre, ce que plusieurs décennies de classement internationaux ont montré, notre système scolaire est donc aussi l’un des plus déterministes socialement.

Pour un Etat qui fait de l’éducation son premier poste budgétaire (90 milliards d’euros, en augmentation de 517 millions d’euros en 2016), et scolarise ses enfants à partir de trois ans, un tel constat, dramatique, devrait appeler les responsables politiques à se saisir du sujet. A un an de l’élection présidentielle, tout laisse penser que des thématiques plus « vendeuses » électoralement, viendront remplir les colonnes des éditorialistes. Il s’agit là d’une grave erreur.

L’échec scolaire persistant et le niveau de qualification insuffisant d’une partie de la population sont une des raisons de l’existence d’un chômage structurel élevé. La faillite de notre système éducatif est directement responsable de la relégation de certains quartiers, des problèmes d’intégration, de citoyenneté et de cohésion sociale. Son déterminisme est profondément choquant et devrait révolter tous ceux qui croient en la promesse républicaine d’égalité des chances. L’éducation est au cœur du mal français, et constitue donc aussi le meilleur moyen de le soigner.

Malheureusement, le débat public reste prisonnier des postures et d’une vision purement comptable de l’éducation. La gauche se borne à recréer les postes supprimés par la droite et à attaquer les humanités tandis que la droite, l’accusant de laxisme ou, pire, de « pédagogisme », lui reproche de porter atteinte à l’identité culturelle de la France. Pendant ce temps, à mille lieux de telles considérations, les organisations internationales telles que l’OCDE, fortes d’une expertise patiemment bâtie et fondée sur des études comparatives empiriques, continuent à faire leurs recommandations dans le vide.

Les failles du système français sont pourtant clairement identifiées : manque de formation des professeurs, rigidité et centralisme excessif, uniformité de l’enseignement dispensé et des moyens alloués. Pour Eric Charbonnier, expert à l’OCDE, la formation initiale et continue des enseignants, « est au cœur des systèmes qui fonctionnent bien ».

Andreas Schleicher, directeur de l’éducation à l’OCDE, ne dit pas autre chose : « La qualité d’un système éducatif n’est jamais supérieure au talent de ses enseignants. On ne changera les mentalités des élèves qu’en changeant celle des professeurs. Et pour ça, il faut leur donner les moyens d’enseigner différemment en adaptant par exemple leur pédagogie au niveau des élèves. » Et de renchérir : « Déjà, la formation initiale est trop académique. Il y aurait plus de pratique, ce ne serait que meilleur (…) Mais le vrai défi est de changer le quotidien des enseignants, les rendre acteurs de leur métier, arrêter de les considérer comme s’ils étaient des ouvriers. »

Les systèmes scolaires les plus performants ont tous en commun de donner à leurs professeurs une vraie formation, inexistante en France pour les professeurs du secondaire, et de leur donner une véritable autonomie dans la façon de transmettre leur savoir. Une refonte de notre système éducatif devrait donc commencer par là.

On dit souvent l’éducation nationale irréformable, il faut donc inventer une nouvelle manière de procéder. Si l’enseignement est un objet politique comme les autres, sujet à débat, l’objectif de la réussite pour tous n’en est pas un et devrait rassembler l’éventail le plus large autour de lui. Ce sera donc de la responsabilité du prochain Président et de son gouvernement, quelle qu’en soit la couleur politique, de lancer dès le début de son quinquennat une grande consultation transpartisane, ouverte sur la société civile et les acteurs du monde éducatif, pour permettre de dessiner cette révolution scolaire dont la France a plus que jamais besoin.

Un « Grenelle » de l’éducation en somme, à la hauteur du défi lancé par ces milliers de jeunes auquel le système ne répond plus.

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