Publications > Tribunes
Publié le 5 juillet 2016

Réforme territoriale : des évolutions à défaut de Révolution

Le 05/07/2016

Voir l’article original 

1Après un démarrage en trombe, la décentralisation s’est changée en course de lenteur avec ses faux plats, ses reculs, ses détours, ses victoires.

Depuis 2012, le Parlement a voté trois lois modifiant l’organisation territoriale de notre pays : la loi portant nouvelle organisation du territoire (NOTRe) , la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’ affirmation des métropoles (MAPTAM) et la loi relative aux élections régionales et départementales.

Des lois dont l’objectif ne consiste pas tant à déléguer de nouvelles compétences qu’à organiser les relations entre les collectivités, à clarifier leurs modalités d’intervention et à inciter à des rapprochements.

Des éléments de souplesse

La prudence n’est pas l’ennemie de l’efficacité. Adepte de la stratégie des petits pas, ce nouvel acte de décentralisation n’en offre pas moins des améliorations. Il conforte le couple métropole-région, supprime les clauses de compétence générale, recentre le département sur sa fonction « sociale ».

Tirant les conséquences de la baisse des dotations, il incite les petites communes – autre « luxe français » – à se regrouper dans des intercommunalités d’au moins 15.000 habitants. Rappelons que 54 % des communes françaises comptent moins de 500 habitants.

Ce nouvel acte introduit en outre des éléments de souplesse. D’abord, il encourage le dialogue local par l’intermédiaire des conférences territoriales d’action publique (C.T.A.P.) qui s’inspirent du « B16 » breton. Plus qu’un outil, la C.T.A.P. est une invitation au pouvoir local à prendre son destin en main.

Ensuite, il autorise l’État à déléguer une partie de ses compétences aux collectivités locales, hors domaine régalien. Ainsi, depuis le 1er janvier 2016 et pour une durée de six ans, la Bretagne exerce une compétence dans les domaines du livre, du cinéma et de la valorisation du patrimoine culturel immatériel, en échange d’une dotation annuelle de 631.000 euros.

Plus récemment, des régions ont demandé et obtenu du gouvernement le pilotage du plan d’urgence pour la formation. Enfin, la loi ouvre la voie à des processus de différenciation, un comble dans un pays où l’égalitarisme est roi ! Désormais, des collectivités aux caractéristiques spécifiques – métropole lyonnaise, intercommunalité du Pays Basque, collectivité corse – peuvent s’affirmer dans le cadre d’un statut sui generis.

Certaines, comme la région PACA, inventent de nouveaux outils de concertation. La toute nouvelle conférence régionale consultative de Christian Estrosi se prononcera ainsi sur les schémas régionaux et la politique des transports. Les collectivités sont aujourd’hui des acteurs économiques et sociaux majeurs.

Des monstres administratifs

Ces avancées, réelles, n’empêchent pas de nourrir des regrets. Le maintien du principe constitutionnel de non-tutelle d’une collectivité sur l’autre empêche le développement d’un leadership local, tout en justifiant l’intervention de l’État qui n’en a pas les moyens. Faute d’avoir supprimé le département, la loi le vide de sa substance et lui coupe les vivres.

Certains rapprochements donnent naissance à des monstres administratifs. La future intercommunalité du Pays Basque regroupera 300.000 personnes et 158 communes, soit la moitié du département. 232 délégués communautaires la dirigeront.

La métropole du Grand Paris peine à exister entre la région Île-de-France et les douze nouveaux établissements publics territoriaux qui couvrent chacun 300.000 habitants et exercent des compétences importantes telles que la gestion de l’eau, l’assainissement, la gestion des déchets, le PLU, la politique de la ville. S’y ajoute le projet de fusion entre les départements des Hauts-de-Seine et des Yvelines.

D’une manière générale, il semble difficile de réformer le millefeuille territorial sans toucher aux finances locales. Clarifier les compétences est une chose. Supprimer les financements croisés en est une autre. En un sens, si la décentralisation est imparfaite, c’est peut-être qu’elle est inachevée.

Ces hésitations ne sont pas toutes condamnables. Décentraliser n’est pas une fin en soi. Les exemples de l’Écosse, de la Catalogne et de l’Italie du Nord rappellent combien les égoïsmes régionaux sont prompts à renaître. L’enjeu consiste plutôt à identifier les échelons les plus pertinents aux niveaux économique et démocratique, les aider à se développer, quitte à s’adapter à leurs caractéristiques. Une chose est sûre : un jour, les contraintes budgétaires nécessiteront de trancher.
Voir l’article original