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Publié le 8 novembre 2016

Climat : s’adapter ou disparaître

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1LE CERCLE/HUMEUR – Le climat change, c’est une certitude, ce qui implique de s’y adapter maintenant. La France le fait. Un peu.

La COP 22 s’ouvre ce lundi au Maroc. Elle doit indiquer aux Etats la marche à suivre pour mettre en oeuvre les grands principes de l’accord de Paris, entré en vigueur ce vendredi 4 novembre. Une des avancées de la COP 21 de Paris a consisté à placer l’objectif d’adaptation sur le même plan que celui de l’atténuation.

Les tragédies de La Nouvelle-Orléans (Etats-Unis) en 2005 ou plus près de nous, celle de la Faute-sur-Mer en 2010 et de Cannes en 2015 nous rappellent que si le risque existe, les solutions restent à inventer.

Premiers effets

À partir de 2050, une canicule surviendra un été sur deux et la France de 2016 ne ressemble déjà plus à ce qu’elle était. Les inondations sont plus fréquentes et plus fortes. Des maladies tropicales comme la dengue ou le chikungunya ont fait leur apparition. En 2014, les autorités sanitaires ont recensé 600 cas dans le sud de la France.

Le moustique-tigre , originaire d’Asie du Sud-est, est présent dans 22 départements, contre 5 il y a cinq ans. La hausse combinée des températures et de l’humidité accroît la quantité de pollen et la concentration de pollution, ce qui favorise le développement des allergies et de l’asthme. En trois décennies, la région de Montpellier est passée d’un climat subhumide à un climat semi-aride. Le rendement et la qualité des cultures déclinent.

Certaines ont migré vers le nord. En un quart de siècle, le taux moyen d’alcool des vins français a gagné deux degrés. Les sécheresses donnent déjà lieu au niveau local à des conflits pour la gestion de l’eau, notamment entre les secteurs du tourisme, de l’agriculture et de l’énergie.

Poids des lobbies

De façon paradoxale, nos sociétés modernes sont plus vulnérables aux aléas climatiques qu’il y a trois siècles, en raison notamment de la concentration de la population et des activités économiques sur des zones sensibles, comme le littoral. Des territoires, comme les collectivités d’outre-mer, sont ainsi menacés de disparition. S’y ajoute la fragilité de nos systèmes de communication et de nos réseaux de distribution. Face à cette situation, l’apathie domine.

En cause ? Le poids des lobbies, la faiblesse de la culture scientifique du personnel politique, la croyance selon laquelle «la technique résoudra le problème», l’immaturité chronique de l’écologie politique française. Par ailleurs, de nombreuses collectivités rechignent à dépenser de l’argent pour des risques aux conséquences aléatoires et diffuses.

Nouvelles stratégies

Malgré tout, de timides stratégies d’adaptation se mettent en place, notamment en France. En témoigne la création en 2001 de l’Observatoire national sur les effets du changement climatique (Onerc), celle des observatoires régionaux sur l’agriculture et le changement climatique, ou encore le lancement du Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) doté de 171 millions d’euros.

En 2017, la France sera le premier État à émettre un emprunt vert de 9 milliards d’euros sur trois ans en faveur de l’adaptation. L’Afnor et le comité européen à la normalisation travaillent à la modification des normes du bâtiment et des transports. L’Inra. sélectionne les plantes les plus résistantes.

La viticulture, qui représente 15 % de la valeur de la production agricole française, modifie ses méthodes de travail : retour de l’herbe dans les parcelles pour freiner l’évaporation, adoption d’une nouvelle technique de taille qui permet de laisser des feuilles sur les vignes pour protéger le raisin, développement des vendanges nocturnes. Dans les territoires d’outre-mer, les élus se mobilisent pour sauvegarder des défenses naturelles comme le corail, faire reculer les nouvelles constructions ou développer la culture en terrasses.

Consensus

Des entreprises comme Endis disent consacrer désormais près de 40 % de leurs investissements annuels à l’adaptation de leurs réseaux de distribution d’électricité en France. Des techniques comme l’agronomie en agriculture ou l’urbanisme d’autrefois, qui se caractérise par des ruelles étroites et des murs épais, connaissent un regain d’intérêt.

Alors que le gouvernement lancera le PNACC 2 au premier trimestre 2017, les initiatives doivent changer de nature et d’ampleur. Un consensus se dégage au sujet de pistes prioritaires comme le transfert des connaissances du monde scientifiques vers l’agriculture, l’émergence de la ville intelligente, l’indépendance énergétique des territoires, la formation des élus et des agents territoriaux à ces nouveaux enjeux. En attendant, la maison brûle et nous continuons désespérément de regarder ailleurs.

Jean-Michel Arnaud est président du groupe Domaines Publics

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