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Publié le 26 décembre 2016

En finir avec le mal-logement

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1LE CERCLE/POINT DE VUE – La France compte 3,8 millions de personnes mal-logées malgré les 40 milliards d’euros consacrés chaque année au logement. Comment corriger ce dysfonctionnement ?

Le logement social est un des paradoxes français les plus saisissants. Il est aussi une illustration des dysfonctionnements qui vicient un système volontariste et généreux. Alors que notre pays compte 4,8 millions de logements sociaux, soit 17% du parc (le double de la moyenne européenne), 1,8 million de Français en attendent un et 3,8 millions sont «mal-logés».

Au total, la France consacre chaque année 40 milliards d’euros au logement social. De 1985 à 2011, le parc a augmenté de 53%, soit plus vite que la population. Dans le même temps, 77.000 logements sociaux sont vacants depuis plus de trois mois.

Effets pervers

D’où proviennent ces dysfonctionnements ? Première cause : la faiblesse du taux de rotation des logements, faute d’incitations suffisantes à la mobilité. D’après une étude de la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (Ifrap 2016), dans les zones urbaines, 25% des occupants de logements sociaux font partie des 50% de Français les mieux payés.

Neuf occupants sur dix demeureront dans leur logement, quelle que soit l’évolution de leurs revenus. De nombreux élus pointent également les effets pervers des lois SRU (2000) et Alur (2013) qui obligent les communes de plus de 3.500 habitants à disposer d’au moins 25% de logements sociaux, sous peine de pénalités. Utile, ce dispositif a conduit à une « surproduction » de logements dans des régions en situation de déficit migratoire, sans rétablir l’équilibre dans les zones tendues.

Selon le bilan 2016 de la loi SRU, 1.218 communes ne respectent pas leur quota. S’y ajoute le manque de foncier constructible, surtout dans les régions où la pression est la plus forte. D’autant que la règlementation tend à protéger le foncier agricole et le littoral. On note par ailleurs une évolution des profils des demandeurs, en majorité des personnes âgées isolées et des familles monoparentales, qui ne correspondent plus à l’offre disponible. Enfin, les règles d’attribution, parfois opaques et discrétionnaires, continuent d’alimenter les critiques.

Nouvelles mesures

Comment y remédier ? Le projet de loi « Egalité et citoyenneté » entend corriger certaines imperfections. Dans sa version actuelle (et provisoire), le texte permet aux préfets de délivrer les autorisations d’urbanisme, de faire participer financièrement les communes à la construction de logements sociaux et de réquisitionner leur contingent pour y installer des ménages qui bénéficient du droit au logement opposable.

Autre révolution, la suppression du quota de 25% de logements sociaux dans les communes qui ne subissent pas de pression immobilière. Les organismes HLM pourront quant à eux moduler les loyers dans un secteur ou dans un bâtiment pour tenir compte des revenus des locataires.

Enfin, les intercommunalités deviendront l’échelon privilégié de la politique du logement. À charge pour elles d’améliorer l’implantation des constructions, de faciliter la rencontre entre l’offre et la demande et de concevoir des procédures d’attribution qui se fondent sur des critères objectifs.

S’y ajoutent deux initiatives pour favoriser la libération du foncier. Depuis 2013, l’Etat peut vendre des terrains avec une décote de 100% pour construire de l’habitat social ; d’ici quelques mois, une société foncière publique verra le jour. Sa mission : acquérir des terrains publics dans les zones tendues avec une décote de 60% pour les louer à des bailleurs sociaux dans le cadre de baux de longue durée.

Et sur le terrain ?

Sur le terrain, élus, associations et professionnels se mobilisent. Le Haut conseil pour le logement des personnes défavorisées (HCPLD) milite pour un recours accru au parc privé, en développant le conventionnement avec l’ANAH (qui permet à des bailleurs privés de louer en-dessous des prix du marché en échange d’un abattement fiscal) et l’intermédiation locative.

Les bailleurs sociaux font évoluer leur métier : inclusion de locaux commerciaux dans les nouveaux immeubles, création de bourses d’échanges pour faciliter la mobilité, publication de leurs offres sur internet. Les collectivités innovent : construction de maisons modulaires à partir de containers en Bretagne, recours à un droit de préemption renforcé à Paris, expérimentation de l’habitat participatif à Montreuil.

Dernier exemple : la signature en février 2016 d’une charte entre Bordeaux Métropole, neuf bailleurs sociaux et seize promoteurs pour la construction de 50.000 logements le long des axes de transport, dont le prix au mètre carré sera calculé en fonction du revenu moyen des futurs occupants. Pour beaucoup, les déséquilibres français proviendraient plus d’un défaut d’organisation que d’un manque de moyens. D’où cette question : et si le mal-logement n’était bientôt plus une fatalité ?

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