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Publié le 18 janvier 2017

Le clivage gauche-droite est-il de retour?

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1La désignation de François Fillon comme candidat des Républicains à l’élection présidentielle sur le fondement d’un programme très conservateur a ravivé un vieux clivage idéologique que d’aucuns croyaient disparu. Pour beaucoup, la surprise ne provenait pas tant de l’élection d’un homme politique réputé discret, que de l’adhésion massive du « peuple de droite » à des mesures libérales. Comment expliquer cette renaissance? Quelles en sont les premières conséquences?

Depuis 1995, les partis de gouvernement français ont connu des rapprochements, voire des convergences. En cause? L’affirmation d’une droite chiraquienne plus proche du social-radicalisme que du thatchérisme ; la longue cohabitation qui a aseptisé la vie politique de 1997 à 2002; la conversion progressive, depuis le tournant de la rigueur, du Parti Socialiste au réalisme économique; le transfert de compétences juridiques et monétaires aux institutions communautaires qui a vidé certains débats nationaux de leur substance.
D’une façon plus générale, un relatif consensus, portant sur la poursuite de la construction européenne, l’ouverture des marchés et la progression des droits civiques, a dominé la classe politique ces dernières années. Ces rapprochements, qui ont commencé dès la fin des années quatre-vingt, soit au début du second mandat de François Mitterrand, se sont incarnés dans quelques figures d’ouverture, de droite comme de gauche : Michel Durafour, Jean-Pierre Soisson, Jacques Pelletier, Lionel Stoléru ou, plus proche de nous, Bernard Kouchner, Eric Besson, Jean-Pierre Jouyet. Notons également qu’en 2013, des coalitions de partis de droite et de gauche assumaient le pouvoir dans 11 pays européens sur 28.
Ces rapprochements n’ont pas conduit à la disparition des clivages politiques. Ceux-ci ont plutôt changé de nature, soit en s’exprimant au sein des formations traditionnelles (ratification du traité de Maastricht ou du traité instituant une constitution pour l’Europe, participation à des opérations militaires, soutien au mariage pour tous), soit en favorisant le développement rapide de partis contestataires, plus prompts à critiquer qu’à conquérir le pouvoir. Jusqu’à une période récente, il était difficile de faire la différence entre l’aile sociale-démocrate du Parti Socialiste et la frange modérée de la droite républicaine. Et François Fillon fut.

Comment expliquer le succès de son projet? Les raisons abondent, parmi lesquelles : la dégradation persistante de la situation économique, budgétaire et sociale qui nécessite de prendre des mesures radicales. Chacun comprend qu’on ne peut plus « gérer le déficit » ou « gérer le chômage », en attendant des jours meilleurs. Sans doute l’électorat de droite a-t-il aussi voulu exprimer sa lassitude face à une droite qui ne s’assume pas autant qu’il le souhaiterait. Certaines mesures, anciennes comme les 35h ou plus récentes, comme le mariage pour tous, ont ressoudé la famille libérale-conservatrice. Le mariage pour tous a même suscité une base militante nouvelle, hors-parti, qui manquait à droite et qui prend plus ou moins la relève du vieux militantisme Gaulliste. Enfin, la volonté du Front National de passer du statut de parti contestataire à celui de parti de Gouvernement, a obligé les responsables de la droite républicaine à durcir leurs messages.

Cette clarification ouvre deux espaces, l’un au centre, l’autre à gauche. Au centre, Emmanuel Macron marque des points, au détriment de François Bayrou et de certaines chapelles de l’U.D.I, tiraillées entre la « real politique » et la fidélité à leurs convictions. La question est de savoir si ce vieux fantasme de troisième force centrale ne se fracassera pas, comme ses versions précédentes, sur les isthmes du vote utile, du scrutin majoritaire à deux tours, sur l’absence de parti et de réseau d’élus organisés.

A gauche, la donne se complique. Comment incarner une « gauche de gouvernement », en ne cédant rien sur son cœur idéologique: la défense du droit du travail, le maintien du périmètre de l’action publique, la relance budgétaire? Avec un Emmanuel Macron « social-démocrate » et une gauche populiste qui profite de son statut d’opposant de l’intérieur, la voie est étroite. Si bien que le clivage actuel oppose désormais une droite homogène à plusieurs gauches qui se cherchent encore.

 

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