Longtemps considérée comme un trouble alimentaire voire comme un signe de laisser-aller, l’obésité s’affirme comme l’une des pires épidémies du XXIe siècle. Alors que la recherche sur ses causes progresse, sa prévention et sa prise en charge demeurent insuffisantes. La bombe à retardement de la « malbouffe » pourrait devenir selon certains, le plus grand scandale sanitaire de l’époque moderne.
Les chiffres sont alarmants. Depuis 1980, le nombre de personnes obèses dans le monde a doublé. La maladie concerne 13 % de la population et progresse de manière dynamique dans les pays en voie de développement. En Afrique subsaharienne, le nombre d’enfants en surpoids est passé de 4 millions en 1990 à 10 millions en 2012. Avec un taux de 15,5 %, la France se classe au 21e rang mondial et au 10e rang européen. En plus de provoquer l’apparition de diabète gras, l’obésité favorise des pathologies comme le cancer, l’hypertension, les accidents vasculaires cérébraux. D’après The Lancet, une personne obèse perd entre 3,5 et 8 ans d’espérance de vie. Si l’on additionne ses coûts directs et indirects, la « facture » annuelle de la maladie s’élève en France à 13 milliards d’euros.
Quelles en sont les causes ? Les spécialistes pointent la sédentarité, le vieillissement, la précarité, la production d’une alimentation trop sucrée et trop grasse. Pour les plus pauvres, la nourriture industrielle reste la seule consommation accessible, tandis que les prix des produits sains flambent. S’y ajoutent des difficultés de prise en charge. Longtemps, les médecins ont considéré que la prévention de l’obésité relevait de la responsabilité des parents. Pour certains, le surpoids n’était pas une maladie, mais le signe d’un laisser-aller. Résultat, depuis 2006, le recours à la chirurgie bariatrique, dont le but consiste à modifier l’appareil digestif, explose. Le nombre d’opérations a triplé en huit ans pour atteindre 47 000. Même si l’intervention réduit l’excès de poids, elle n’est pas la solution miracle et présente des risques.
Jusqu’à présent, les pouvoirs publics ont multiplié les plans : plan obésité, programme national d’alimentation, plan national nutrition santé. L’effort porte pour l’essentiel sur la valorisation des bienfaits d’une alimentation équilibrée et d’une pratique sportive. Des chartes, pour la plupart non contraignantes, invitent l’industrie agroalimentaire à s’autoréguler, parfois avec succès. Nestlé a ainsi réduit de 28 % le taux de sel de ses pizzas et de 26 % celui de matières grasses de ses saucisses. Des taxes pèsent sur certains produits comme les sodas. Trop nombreuses – on en compte 21 au total -, celles-ci ne sont pas assez élevées pour modifier les comportements ou contraindre les industriels à revoir leurs recettes. D’une manière générale, les mesures prises par les gouvernements successifs apparaissent aujourd’hui trop timides pour inverser la tendance.
C’est pourquoi des voix s’élèvent pour réclamer des mesures plus radicales. Parmi elles : l’interdiction de la publicité pour des produits alimentaires en direction des enfants, la notation des aliments en fonction de leur qualité nutritionnelle, la refonte de la fiscalité pour taxer moins de produits, mais de manière plus importante, ou encore la gratuité de certains actes de prévention. L’objectif ? Modifier le regard que porte la société sur l’obésité pour favoriser une approche globale de sa prévention et de son traitement. Comment ? En concevant des aménagements urbains qui stimulent la mobilité, en formant les professionnels de santé, en recensant et en partageant les meilleures pratiques ou en traitant tous les aspects de la maladie, physiques et psychologiques, de manière simultanée.
L’urgence n’est pas que sanitaire. Elle est aussi sociale. Maladie de l’abondance qui touche les plus pauvres, l’obésité est une expression parmi d’autres, du « mal-développement » de nos sociétés modernes.
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