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Publié le 14 avril 2017

L’affaire Fillon, un véritable holdup judiciaire en pleine élection présidentielle

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Publié le 28/03/2017

Les affaires Fillon et plus récemment Le Roux, nous semblent traduire un accroissement du pouvoir de l’autorité judiciaire.

1D’abord, et c’est heureux, de plus en plus de personnes handicapées souhaitent travailler. Ensuite, certains salariés n’hésitent Pour beaucoup, la tenue du premier débat télévisé sur TF1 a marqué le début de la campagne. On se souvient du dépit de Benoît Hamon qui s’exclamait il y a peu : « Je veux parler de service public, on me répond Fillon. Je veux parler d’entrepreneuriat, on me répond Fillon et affaires ». Jamais le calendrier judiciaire n’avait à ce point perturbé une élection présidentielle. Hasard ou holdup ? À cet égard, deux affaires «Fillon» coexistent. La première est politique. Elle participe du débat public dans la mesure où elle porte sur la personnalité du candidat. La seconde est judiciaire. Si, bien évidemment, elle obéit aux règles classiques de procédure, son traitement ne doit pas interférer de manière démesurée sur la campagne, au risque d’en fausser le résultat.
L’article 705 du code de procédure pénale dispose que le parquet national financier (PNF) est compétent pour « les affaires qui sont ou apparaîtraient d’une grande complexité, en raison notamment du grand nombre d’auteurs, de complices ou de victimes ». La circulaire d’application du Garde des Sceaux ajoute un critère, celui du « retentissement national ou international » pour répartir les affaires entre le PNF et les juridictions inter-régionales spécialisées (JIRS). Dans l’affaire « Fillon », les faits, anciens, avérés et non contestés, ne semblaient pas présenter de complexité particulière. Trois semaines ont d’ailleurs suffi pour rassembler pièces et témoignages.
Aucun texte n’instaure de « trêve judiciaire » durant les périodes électorales. La nécessité de ne pas perturber le jeu démocratique a cependant poussé des juridictions à faire preuve de «retenue» durant les périodes sensibles. Par ailleurs, l’article 40-1 du code de procédure pénale introduit un principe d’opportunité des poursuites. Il s’agit d’appliquer le droit en fonction de la réalité et des conséquences prévisibles. Des procureurs classent sans suite un nombre considérable d’affaires en tenant compte de la faiblesse du préjudice, de l’encombrement des juridictions ou de la politique pénale. En l’espèce, le parquet aurait très bien pu ne pas s’autosaisir immédiatement, d’une part parce que le trouble avait cessé depuis 3 ans et d’autre part parce que la période qui s’ouvrait réclamait une certaine prudence.
Pour autant le retentissement de l’article du Canard Enchaîné pouvait suffire à inciter le parquet à se saisir de l’affaire. Ne rien faire aurait pu susciter l’incompréhension du public. Même si la très grande majorité des enquêtes préliminaires ne donnent lieu à aucune communication, on peut estimer que pour les mêmes raisons, une communication officielle devait confirmer la mise en œuvre d’une action. Rien n’imposait en revanche la publication d’un communiqué pour indiquer qu’il n’y a pas assez d’éléments ni pour classer, ni pour renvoyer l’affaire devant un tribunal. De même qu’on regrettera les nombreuses fuites de procès-verbaux en direction de la presse, qui violent le secret (de polichinelle) de l’instruction. La saisine aurait pu être l’occasion de marquer une pause. La procédure, retardée de quelques semaines, aurait repris après l’élection. Au lieu de cela, le parquet a jugé bon de convoquer François Fillon pour lui signifier sa mise en examen deux jours avant la clôture du recueil des parrainages. Difficile de faire plus symbolique.
Hasard ou pas, ce calendrier a eu des retombées médiatiques et politiques considérables. En plus de mettre en cause un des candidats favoris, il a privé les Français (et les autres candidats) de débat durant des semaines. Comment ne pas s’interroger sur la neutralité ou le discernement, non pas de la « Justice », mais de certains juges ? Après tout, le juge d’instruction de l’affaire d’Outreau et le procureur chargé de l’affaire Baudis n’ont pas réussi à surmonter leurs préjugés. De même que l’affichage dans un local syndical de la magistrature d’un «mur des cons» n’est pas un gage d’impartialité. Indépendance ne signifie ni infaillibilité, ni irresponsabilité.
L’article 3 de la Constitution dispose « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants ou par la voie du référendum ». L’autorité judiciaire, comme le conseil constitutionnel ou le gouvernement, tient ses pouvoirs de la constitution et de la loi. Si elle rend la justice au nom du peuple, elle ne se substitue pas à lui. Ce principe de séparation, sans lequel d’après l’article 16 de la déclaration des Droits de l’homme et du citoyen, « il n’y a pas de constitution », vise à empêcher un pouvoir de s’immiscer dans les compétences de l’autre. Dans une décision du 10 novembre 2011, le conseil constitutionnel l’a d’ailleurs rappelé au profit de la présidence de la République et du Gouvernement. Les sommes qu’utilisent les parlementaires pour rémunérer leurs collaborateurs, sont de l’argent public. Le juge a le droit de s’assurer qu’il ne fait l’objet d’aucun détournement. Mais il n’en contrôle pas l’usage, qui relève de l’autorité de l’Assemblée Nationale. Dans le cas contraire, la Cour de Cassation devrait accepter de faire l’objet de contrôles de l’inspection des services judiciaires, ce qu’elle a refusé.
Pour ces raisons, les affaires Fillon et plus récemment Le Roux, nous semblent traduire un accroissement du pouvoir de l’autorité judiciaire. Un pouvoir sans responsabilité, sans contre-pouvoir, sans peur mais non sans reproches.