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Publié le 10 mai 2017

Le « sortez les sortants » devient réalité, mais rien ne changera!

Publié le 18/04/2017

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2L’élection présidentielle semble marquer la fin des synthèses de droite et de gauche.

Depuis la percée de Jean-Luc Mélenchon dans les sondages, les écarts se resserrent. Le corps électoral ne se divise plus en deux, ni en trois, mais en quatre voire en cinq blocs si l’on tient compte de l’abstention. Si l’issue des élections présidentielles est incertaine, celle du scrutin législatif l’est encore plus. De quoi cette décomposition-recomposition est-elle le signe? S’inscrit-elle dans la durée?

L’élection présidentielle semble marquer la fin des synthèses de droite et de gauche. Ce « consensus gestionnaire » est né du tournant de la rigueur en 1983, a prospéré sous la droite chiraquienne avant de connaître son heure de gloire durant la cohabitation de 1997 à 2002. De son côté, la construction européenne, qui se fonde sur la convergence économique et monétaire, a rapproché les points de vue (et les politiques) des partis traditionnels. Si bien qu’au lieu de marquer des ruptures, les alternances ont conduit à des inflexions techniques avec, comme conséquence, l’émergence d’une expression politique centrale homogène. À ses ailes, ont grossi deux forces de contestation, l’une de nature identitaire, l’autre économique. Dans les deux cas, ces forces rejettent le système et la politique qu’ont mené les partis classiques. Le réalisme, les accords d’appareil et les motions de synthèse de fin de congrès ont longtemps retardé l’aggiornamento du paysage politique français. À cet égard, le quinquennat de François Hollande aura servi de révélateur, voire de détonateur.

Quelles sont dès lors les nouvelles lignes de fracture? La première d’entre elles concerne le rapport qu’entretiennent les individus au monde actuel. D’un côté, il y a ceux qui l’acceptent tel qu’il est, c’est-à-dire ouvert, technique, rapide, multiculturel, compétitif, instable et ceux qui le rejettent, bien souvent parce qu’eux-mêmes s’en sentent rejetés. Derrière cela, se cache une approche différente des notions de frontières et de flux, migratoires ou financiers. La menace est étrangère. Elle prend aussi bien la forme de migrants jetés à la mer ou sur les routes par la guerre et la pauvreté que de fonds de pension opaques qui coulent des jours heureux dans des paradis fiscaux. Pour ces deux formes de contestation, l’Etat-Nation doit reprendre le contrôle: de ses frontières, de sa monnaie, de sa politique de change, de son appareil productif. À ceux qui redoutent que nous soyons les seuls, ils répondent « nous serons les premiers ». D’autres marqueurs idéologiques sont à l’œuvre, comme la famille, l’écologie, le rapport aux statuts, le poids de la fiscalité, mais ils n’introduisent pas de différences majeures au sein des familles que nous venons de définir.
Reste à savoir si ces expressions modifieront le paysage politique français. La réponse n’est pas évidente. D’abord parce que les forces contestataires se nourrissent de la faiblesse des candidats des partis classiques. Pour des raisons différentes, Benoît Hamon et François Fillon pénalisent leur camp. Rappelons qu’avant ses « affaires », ce-dernier caracolait en tête des sondages. Ensuite, une fois l’élection présidentielle passée, la politique, la vraie, reprend ses droits. Le mode de scrutin des élections législatives françaises est ainsi fait qu’il contraint les formations à nouer des alliances pour le second tour. Malgré ses scores importants, le Front National n’a jamais obtenu plus de 2 ou 3 députés. Rien n’interdit de penser que les mouvements France insoumise et En Marche rencontreront les mêmes difficultés. D’autant qu’ils ne peuvent s’allier entre eux. Par ailleurs, il y a la conquête du pouvoir et l’exercice du pouvoir. Les exemples grecs et américains ont montré que les déclarations fracassantes de campagne se heurtent vite à la réalité d’un monde interdépendant. In fine, le principal mérite d’Alexis Tsipras aura été d’avoir fait avaler la pilule de la restructuration de leur dette aux Grecs. Enfin, les élections intermédiaires, nombreuses et variées en France, ont en général pour effet de faire taire les dissensions et de convaincre chacun de faire preuve de discipline.
En conclusion, si les ferments idéologiques d’une recomposition d’ampleur existent, pas sûr que ses effets sur la structure de l’offre politique française soient immédiats.

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