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Publié le 15 mai 2017

Législatives : En Marche ou En Panne

Publié le 15/0515/2017

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Législatives : En Marche ou En Panne

Couacs, fronde de François Bayrou, erreurs de casting, la fusée « En Marche » a connu quelques problèmes techniques. Pour le président élu, qui a bluffé l’opinion et le monde par son audace, le plus dur commence. Pour un peu, on aimerait que la caméra de TF1 qui l’a suivi durant sa campagne, continue de tourner. Aurait-il qualifié cette séquence de « professionnelle » ? La politique, la vraie, reprend ses droits. À quelques semaines du premier tour, quel est l’état des forces en présence ?

Le soir du second tour, Emmanuel Macron a réuni 66% des voix, un score aussi flatteur que trompeur. En effet, 13,5 millions d’électeurs ont exprimé leur opposition à son programme, soit en votant Marine Le Pen (10,5 millions), soit en glissant un bulletin blanc ou nul dans l’urne (3 millions). Les 20 millions de voix du président élu regroupent : ses 9 millions de voix du premier tour qui expriment un vote d’adhésion, les voix d’électeurs qui sans adhérer à son programme, s’en accommodent et enfin, celles de citoyens qui ont fait barrage au Front National. On peut estimer ainsi qu’à la veille des élections législatives, le «socle » d’Emmanuel Macron oscille autour des 20 à 25%, ce qui est moins que Nicolas Sarkozy en 2007, mais plus que les présidents élus en 2002 et 2012.

Ce socle est d’autant plus robuste qu’il repose sur des fondements solides : une adhésion à la personnalité, jeune et charismatique, du président ; une volonté de renouvellement ; la défense de valeurs – la construction européenne, l’assouplissement du marché du travail, l’acceptation de la mondialisation – qui forment le clivage politique d’aujourd’hui. À cet égard, le « potentiel majoritaire » du président regroupe les amis de François Hollande, de Manuel Valls, d’Alain Juppé, quelques élus des Républicains comme Bruno Le Maire, les centristes, qu’ils soient de « droite » ou de nulle part comme le Modem. Les « nouvelles oppositions » regrouperaient quant à elles la France insoumise et les soutiens de Benoît Hamon à gauche ; les tenants de la ligne dure de Laurent Wauquiez, les amis de Nicolas Dupont-Aignan et le Front national à droite.

Cette recomposition intellectuelle se heurte à des inconnues. D’abord, malgré les coups de boutoirs, la droite et le centre résistent. Une discipline qui fait passer tout ralliement pour un débauchage. Personne ne souhaite devenir le « Eric Besson » ou le « Bernard Kouchner » d’Emmanuel Macron. Ensuite, les errements de ces dernières heures ont remonté le moral des députés Républicains. La campagne ne fait que commencer. Le Gouvernement n’est pas encore nommé. Et si la belle mécanique s’enrayait ? D’autant que s’ils sont d’accord sur les fondamentaux économiques et sociaux, les candidats « En Marche » le sont sans doute un peu moins sur d’autres sujets certes plus secondaires, mais qui comptent : la famille, l’identité, la sécurité ou la maîtrise des flux migratoires. La dernière inconnue concerne le poids de « l’équation personnelle ». Derrière ce vocable du jargon politique, se cache une réalité: la présence, ancienne et régulière, sur le terrain. Beaucoup de candidats des partis traditionnels, y compris les plus jeunes, n’ont pas attendu la victoire d’Emmanuel Macron pour se découvrir une vocation d’élu.

Trois solutions se dessinent : une majorité absolue, une majorité relative, pas de majorité. Leur occurrence varie en fonction du premier ministre pressenti, des tractations en coulisse (qui, décidément, ont la vie dure, même en pleine révolution des pratiques), des prises de position des grands élus de droite plus enclins à « attendre et voir » qu’à risquer leur carrière pour un petit mois de gouvernement, même aux premières loges. Qui sait ce que réserve ce troisième tour d’une interminable élection qui n’en finit plus de surprendre ? Et si après l’avoir porté aux nues, l’opinion brûlait, une nouvelle fois, celui qu’elle a adoré ? Pour Emmanuel Macron, les élections législatives ne sont (déjà et hélas) plus un test de résistance, mais une question de survie.

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