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Publié le 5 juin 2017

Des pistes pour réformer l’hôpital

Publié le 05/06/2017

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LE CERCLE/POINT DE VUE – Vieillissement de la population, maladies chroniques, progrès technique… Les dépenses de santé connaissent une hausse mécanique et continue. Les hôpitaux français doivent réaliser de nouvelles économies tout en investissant dans le numérique.

En mars 2016, 110 oncologues ont ainsi lancé un appel pour alerter l’opinion sur la hausse explosive du prix des médicaments anti-cancéreux. D’où cette question : peut-on réformer l’hôpital et, par extension, l’organisation du système de santé, sans en altérer la qualité ?

Les dépenses de santé connaissent une hausse mécanique et continue qui s’explique par le vieillissement de la population, par le progrès technique qui renchérit le coût moyen des traitements et par le développement de maladies chroniques comme le diabète ou l’obésité.

Cette tendance concerne en particulier l’hôpital qui doit parallèlement faire face à un sévère plan triennal d’économies, à la désertification médicale et aux conséquences de la réduction du temps de travail. S’y ajoute le développement d’une approche consumériste chez certains patients que le système parfois encourage.

Hôpital surchargé, personnel sous tension

Alors qu’obtenir un rendez-vous rapidement chez un spécialiste devient difficile en de nombreux points du territoire, les urgences hospitalières assurent un accueil continu et proposent sans condition préalable de droits ou de paiement, des examens complets.

Résultat : en 15 ans, le nombre de visites annuelles aux urgences est passé de 9 à 20 millions avec, à la clef, un surcoût proche de 500 millions d’euros, mobilisant des ressources inadaptées aux pathologies courantes. Soulignons en outre que 3,6 millions de personnes âgées effectuent un séjour à l’hôpita l et qu’elles seront 8,3 millions en 2030.

Cette « saturation » de l’hôpital suscite malaise et tensions chez les personnels. La mise en oeuvre des 35 heures a contribué à augmenter la densité des temps de travail, à banaliser les rythmes en 12 et 10 heures et donc la pénibilité.

Parallèlement, la réduction attendue des capacités d’accueil en termes de lits d’hospitalisation met les établissements en surchauffe à chaque épisode infectieux hivernal. Enfin, les écarts de revenus avec le secteur privé découragent les vocations médicales publiques dans certaines disciplines totalement sinistrées comme la radiologie ou l’anesthésie.

La tarification à l’activité en question

Plusieurs voix s’élèvent pour demander une révision de la tarification à l’activité (T2A) qui a remplacé, à partir de 2004, le financement par dotation globale. Conçu comme un moyen de régulation plus équitable des dépenses, le système a très vite présenté des limites. La grille qui sert de référence à la T2A, intègre les innovations avec lenteur.

Les établissements ont eu tendance à optimiser leur facturation et à augmenter le nombre d’actes privilégiant le volume à la pertinence, le tout dans le cadre de l’enveloppe fermée annuelle de l’Ondam (Objectif national de dépenses d’assurance maladie). Les praticiens sont désormais tiraillés entre enjeux éthiques et financiers.

La mise en place des groupements hospitaliers de territoire tente de répondre à cette objection en organisant une offre graduée publique du CHU à l’hôpital de proximité, mais elle a oublié que l’offre est aussi privée. L’idée de plafonner la part de rémunération à l’activité et de renforcer la part des dotations fait son chemin.

Vers toujours plus d’ambulatoire

Un autre axe consiste à réduire la durée d’hospitalisation, en développant l’ambulatoire notamment en chirurgie. Certains spécialistes estiment que d’ici 2020, 70 % des patients pourront regagner leur domicile moins de 24 heures après leur opération. Grâce au progrès technique et à de nouveaux protocoles, des opérations lourdes comme la pose de prothèse de hanche ne nécessitent plus d’hospitalisation.

Le traitement du cancer est révolutionné par l’arrivée des traitements à domicile. Des changements qui nécessitent d’intégrer les communautés de patients, d’améliorer la coopération avec la médecine de ville, de développer l’hospitalisation à domicile, les hôtels hospitaliers, la formation par simulation et les outils numériques de suivi.

L’idée à terme, est de recentrer l’hôpital en réseau sur ses missions prioritaires que sont la recherche, l’innovation, les actes lourds et la formation, au détriment de l’hébergement et des soins quotidiens que d’autres peuvent assurer.

Enfin, la lutte contre les actes redondants et inutiles représente une source importante d’économies potentielles.  D’après l’OCDE, 20 % des dépenses de santé des 35 pays membres sont au mieux inefficaces, au pire, ne servent à rien. Sans remettre en cause la liberté de prescription, il convient de poser la question de la pertinence des soins et des parcours.

De l’investissement et des recettes

Réformer l’hôpital ne peut se résumer à en réduire les coûts. Il faut aussi investir, en particulier, dans le numérique : informatisation du dossier patient, messageries numérisées… Les objets connectés, la télémédecine, l’ouverture des pacs (système d’archivage et de transmission d’images) et des datas, l’impression 3D, l’assistance robotique offrent des perspectives prometteuses.

L’objectif doit être de permettre au patient (et à son médecin) de surveiller sa santé au quotidien et de personnaliser la prévention en utilisant à bon escient les connaissances de la médecine prédictive.

Et puis, rêvons un peu. Pourquoi ne pas encourager l’hôpital français qui bénéficie de la forte notoriété de ses équipes à profiter de deux marchés en forte croissance : celui du tourisme médical qui s’élève à 60 milliards d’euros et celui, encore plus prometteur, du conseil à l’étranger ?

Sur ces deux segments, des établissements comme l’AP/HP, l’Institut Gustave Roussy, l’hôpital américain de Paris (situé à Neuilly-sur-Seine), mais aussi des groupes hôteliers comme Accor ou de construction comme Bouygues, ont commencé à structurer leurs offres et à commercialiser des prestations. À bien des égards, l’hôpital pourrait devenir le symbole d’une France efficiente capable de se réformer et de s’adapter aux réalités du monde d’aujourd’hui, sans renier ses idéaux de qualité et d’accessibilité.

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