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Publié le 20 juillet 2017

Intelligence Artificielle : quel monde demain ?

Publié le 20/07/2017

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L’intelligence artificielle, qui consiste à faire réaliser par une machine des tâches cognitives jusque-là réservées à l’homme, est au cœur des révolutions techniques des XXe et XXIe siècles qui ne cessent de bouleverser nos sociétés. Mais au-delà de l’aspect technologique, elle est désormais un enjeu fondamental des politiques publiques, tant par ses dimensions économiques, juridiques qu’éthiques.

Depuis plusieurs années, l’IA fait des progrès remarquables, au point que certains scientifiques comme Yann Le Cun, chercheur français et spécialiste mondial du sujet, annoncent une Intelligence Artificielle bientôt capable d’avoir « des sentiments, des plaisirs, des peurs et des valeurs morales ».

Déjà présente dans des logiciels experts ou dans des objets connectés, l’intelligence artificielle voit son horizon s’élargir : de l’automatisation de certaines tâches à la rédaction de textes, de la création artistique au diagnostic médical. Source de progrès et de richesse, elle suscite également des craintes et vient ébranler nos certitudes économiques. Elle pose, par exemple, la question d’une possible raréfaction du travail et des solutions à y apporter pour permettre à chacun de continuer à disposer d’un emploi lui permettant de vivre dignement. Mais l’intelligence artificielle est avant tout un enjeu crucial pour l’innovation et décidera sans aucun doute des réussites et des échecs de demain, ainsi que de la place de chaque pays dans la mondialisation.

De ce point de vue, la France est distancée. Alors même qu’elle compte d’excellentes universités et des spécialistes de renom, elle subit de plein fouet la concurrence farouche de puissantes entreprises privées et d’États volontaristes comme les États-Unis ou la Chine, au risque de perdre sa souveraineté dans un domaine stratégique. On assiste à une fuite des start-ups, en manque de financement pour se développer, notamment vers les États-Unis.

 

Le plan France Intelligence Artificielle lancé dans les dernières semaines du quinquennat Hollande est porteur d’une forte ambition, particulièrement en termes d’investissements publics pour la recherche et la création de liens entre l’université et l’industrie. Il faut souhaiter que ce chantier soit poursuivi par le gouvernement actuel, car la France ne peut se permettre de pause.

Autre enjeu fondamental dans le domaine de l’intelligence artificielle, celui du droit. Tandis que la machine commence à prendre des décisions autonomes, la question de la responsabilité en cas de faute se pose. Par exemple, lors d’un accident de voiture impliquant une voiture sans chauffeur… Certains, comme la députée européenne Mady Delvaux, préconisent de donner une existence juridique aux robots afin de pallier ce problème, une position qui fait l’objet de nombreuses réserves. Nous n’en sommes qu’aux balbutiements, mais c’est une question qui sera au coeur des débats, avec comme objectif d’apporter sécurité juridique et protection, sans freiner l’innovation.

Évidemment, les questions éthiques sont primordiales. Peut-on faire confiance à une intelligence artificielle dont la logique ne nous est pas accessible ? Aux États-Unis, des biais raciaux ont déjà été constatés chez certaines machines chargées de guider des décisions d’ordre judiciaire, nourries elles-mêmes par des données biaisées : par exemple, du fait de la surreprésentation des Afro-Américains parmi la population carcérale. Avant d’appliquer l’intelligence artificielle à des domaines sensibles, encore faut-il comprendre sa logique et l’encadrer.

Auteur d’un rapport sur l’intelligence artificielle et les droits de l’homme pour le Conseil de l’Europe, l’ancien parlementaire Jean-Yves Le Déaut appelle à la vigilance quant aux impacts de cette technologie sur la dignité humaine. Il préconise la création d’un droit à pouvoir privilégier la qualité des relations humaines par rapport à celles prodiguées par un robot pour certaines tâches, comme l’éducation des enfants et les soins aux personnes âgées ou handicapées.

L’intelligence artificielle est source de formidables espoirs, mais aussi de terribles appréhensions, c’est le rôle des pouvoirs publics de veiller à ce que le rêve ne se transforme pas en cauchemar, comme ont pu le suggérer tant de films d’anticipation.

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