Publié le 08/08/2017
Incarcérations indignes, surpopulation carcérale, augmentation des peines récidivistes comme des suicides… le « tout prison » serait-il la meilleure issue ? Partout en Europe, le nombre de détenus décroit tandis qu’il s’accroit dans l’Hexagone. Avec une densité carcérale de 119 prisonniers pour 100 places, la France rivalise avec la Moldavie et l’Albanie.
Depuis des décennies, le Conseil de l’Europe dénonce la situation chronique des prisons françaises. Quelles seront les solutions carcérales, pénales et surtout sociétales du nouveau gouvernement ? Après l’aller-retour express Pau-Paris de François Bayrou, contraint de démissionner alors qu’il était sensé incarner la loi sur la moralisation de la vie publique, la première décision importante de la nouvelle garde des Sceaux, Nicole Belloubet a été de nommer le 2 août Stéphane Bredin nouveau directeur de l’administration pénitentiaire, suite à la démission en avril de Philippe Galli, alors en désaccord radical avec son prédécesseur Jean-Jacques Urvoas.
Tout aussi radicale la résolution de la directrice de la maison d’arrêt de Villepinte. Tirant la sonnette d’alarme, elle alerte officiellement en mars les tribunaux qu’elle ne peut plus accueillir de prisonniers, frisant les 200 % de taux d’occupation ! Une saturation endémique fréquente dans nombre de nos prisons : Nîmes 222 %, Nanterre 182 %, Meaux 198 %, Béthune 190 %…
La question des prisons, c’est donc d’abord celle de la surpopulation. À cela, deux raisons : le nombre d’aménagements de peine stagne alors qu’ils réduisent le nombre de détenus et le recours à la détention provisoire ne cesse d’augmenter. Résultat : un record exorbitant ! Au 1er juillet, 70 018 personnes s’entassent dans 59 090 places. Une telle promiscuité (avoisinant parfois les 3m2 par cellule) a conduit à 9000 agressions en 2016 et favorise plus la récidive que la réinsertion. Cette double conséquence risque encore de s’amplifier, car les 15 000 nouvelles places prévues par le gouvernement sortant ne verront pas le jour avant cinq ans. « L’ouverture de ces prisons améliorera les conditions de travail pour le personnel », reconnait le syndicat national des Directeurs pénitentiaires, qui connait aussi le danger que risque de susciter cet « appel d’air »… Plus de prisons, plus de prisonniers !
Le problème de la surpopulation pénitentiaire est donc en amont celui de la justice. Quelle sera la solution pénale du mandat d’Emmanuel Macron ? Le « tout carcéral » de Nicolas Sarkozy dénoncé comme une « fuite en avant » par François Hollande, la « contrainte pénale » – offrant au condamné de purger sa peine hors des murs – de la loi Taubira ou encore l’aménagement des peines (bracelet électronique, travail d’intérêt général) de la loi Dati ? C’est sur cette dernière loi que le président de la République, alors candidat d’En Marche, souhaitait revenir. Selon lui, « les peines prononcées inférieures à deux ans fermes ne sont que très rarement exécutées ». Nicole Belloubet devra nécessairement répondre de cette sentence erronée : selon les chiffres du ministère de la Justice, les deux tiers des condamnations à moins de deux ans mènent bien à la prison.
Avec 40 % des peines prononcées inférieures à un an, la commission du livre blanc sur l’immobilier pénitentiaire préconisait dans son rapport remis en avril dernier la création de « structures légères » adaptées aux courtes peines. Une dizaine de détenus vivant dans des cellules individuelles de 7 m2 suivraient le matin des formations, des études ou des thérapies, tandis que l’après-midi ils travailleraient. Cette « révolution culturelle » pourrait-elle être menée par le nouveau gouvernement ? Satisfaisant tant son aile gauche (qui favorise l’accompagnement socio-éducatif et l’aménagement des peines), que son aile droite (qui comble une tradition plus sécuritaire en plaçant les condamnés dans des structures adaptées sans diminuer le nombre de détenus), cette solution serait budgétairement tout aussi avantageuse. Avec un coût de construction de 40 % inférieur à un centre pénitencier classique, ces structures légères réduiraient également le ratio détenus/fonctionnaires.
Cette politique sociétale, encouragée par l’Europe, favorise le suivi pédagogique et psychologique, reconnu pour endiguer la récidive grâce aux programmes de réinsertion. Briser le cercle vicieux de la récidive et faire automatiquement baisser le nombre de condamnations et donc la surpopulation carcérale serait sans doute une voie pour lutter contre l’entropie du système judiciaire et carcéral.
Si d’après Camus « une société se juge à l’état de ses prisons », la solution pénitentiaire du nouveau gouvernement nous permettra alors de jauger notre société en marche.