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Publié le 24 septembre 2017

Dernier mandat, dernière chance pour Angela Merkel de rester dans l’histoire?

Publié le 24/09/2017

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2Curieuse atmosphère que celle entourant les élections allemandes, prévues le 24 septembre. Alors que la première puissance européenne et quatrième économie mondiale tient ses élections générales, le monde regarde ailleurs. Les Allemands eux-mêmes ne se passionnent pas pour cette compétition tant la victoire de Angela Merkel semble acquise. Après dix années passées au pouvoir, l’usure ne semble pas avoir atteint la Chancelière. Celle-ci jouit toujours d’une popularité à faire pâlir plus d’un dirigeant.

 Jusqu’ici, la politique d’Angela Merkel s’est caractérisée par un maître mot: la prudence. Prudence sur le plan intérieur, où elle capitalise largement sur les succès économiques hérités des réformes entreprises par son prédécesseur et sur la vitalité de l’industrie exportatrice allemande. D’aucuns seraient bien incapables de citer une réforme d’ampleur introduite par Angela Merkel elle-même. Prudence sur le plan extérieur, où elle n’a guère souhaité repenser le rôle de l’Allemagne, gardien inflexible de la rigueur européenne et de la stabilité monétaire et toujours aussi réticent à s’engager sur le plan diplomatique et militaire. Pourtant, Angela Merkel pourrait bien profiter de la liberté que lui offrirait un dernier mandat pour faire preuve de plus d’audace. Il faut en tous cas le souhaiter.
Sur le plan intérieur, il faut espérer que la remontée des salaires se poursuive et que la lutte contre la précarité s’amplifie. Les Allemands, qui se sont longtemps serré la ceinture pour remettre leur pays sur les rails, doivent pouvoir récolter les fruits d’une économie en si bonne santé. Cela aurait aussi pour effet de relancer une demande intérieure amorphe qui n’a que pour effet de gonfler l’excédent commercial allemand au détriment de celui de ses voisins et de créer ainsi des déséquilibres dangereux pour la monnaie unique. On attend également du pays les investissements massifs longtemps repoussés. Pendant que l’Allemagne, rivée sur son excédent budgétaire, serre un peu plus les cordons de la bourse, ses infrastructures, notamment en matière de transports, souffrent de vétusté et d’un sous-investissement chronique. Là encore, ce serait un coup de pouce bienvenu pour l’économie européenne qui souffre toujours d’une demande atone et d’une croissance molle.
Sur le plan européen, il faut souhaiter que la ligne inflexible incarnée par le ministre des finances Wolfgang Schaüble se trouve assouplie. Les Grecs, quelles que soient leurs fautes originelles et la faiblesse de leurs structures étatiques, ont plus qu’assez payé. Il est illusoire de penser que leur économie pourra repartir sans un allègement massif de leur dette colossale, contrepartie de la poursuite des réformes structurelles. C’est du moins ce que pense le Fond Monétaire International (FMI). Mais pour le moment, l’Allemagne se refuse toujours à franchir le pas. Cette austérité imposée au peuple grec ne nuit pas seulement aux deux pays, mais à l’Union Européenne (UE) dans sa totalité, accusée de maltraiter les peuples.
Enfin, en Europe toujours, l’Allemagne doit sortir de son rôle de gardienne des traités pour embrasser celui d’une réformiste audacieuse. L’Europe, et la zone euro tout particulièrement, ont besoin de réformes. La monnaie unique doit se doter d’une gouvernance politique et d’un minimum de budget commun pour survivre et faire face aux crises. De la même manière, l’UE doit se doter d’une véritable politique de défense et de sécurité qui lui permette de faire face aux menaces croissantes et de contribuer réellement à la stabilité du monde, sans se reposer sur l’allié américain ou l’armée française. Pour ce faire, l’Allemagne doit lever les tabous de son histoire et s’affirmer comme une puissance militaire. Cela s’avère d’autant plus nécessaire au moment où le Royaume-Uni, autre grande armée européenne, s’apprête à prendre le chemin de la sortie.

Tous ces chantiers sont potentiellement explosifs pour Angela Merkel. Pour les mener, elle devra batailler dur contre nombre de ses alliés, à commencer par la très conservatrice CSU bavaroise. Cela dépendra aussi de ses alliés au gouvernement: les sociaux-démocrates et les verts seraient susceptibles de l’appuyer, tandis que les libéraux verraient d’un très mauvais œil un renforcement des pouvoirs de l’UE. Ces choix pourraient la rendre impopulaire aux yeux d’une partie de la population allemande, attachées à une Allemagne rigoureuse et discrète. Mais débarrassée des nécessités de la réélection, au faîte de sa popularité, Angela Merkel devrait mener ces combats qui assiéraient définitivement son statut de grande dirigeante: une incroyable gestionnaire, une redoutable politicienne, mais aussi une visionnaire.

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