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Publié le 30 octobre 2017

Face au dépérissement des centres-villes, il n’y a pas de fatalité

Publié le 30/10/2017

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2Le déclin des villes petites et moyennes s’explique avant tout par la dévitalisation de leurs centres. Limitation des grandes surfaces en périphérie, recrutement d’un manager de centre-ville, amélioration de l’accessibilité et du stationnement… Il est possible de faire rebattre le coeur des villes.

Le fossé entre la France des métropoles et celle des territoires est plus que jamais apparu à l’occasion de la dernière séquence électorale, opposant un pays urbain et ouvert sur le monde à une population fragilisée, plus rétive à la mondialisation.

Politologues et démographes ont documenté depuis longtemps cette fracture territoriale et le malaise de la France rurale. Nombre de villes sont sur le déclin, entre chute de l’activité et perte de population. D’aucuns pourraient être tentés d’accueillir cette évolution d’un haussement d’épaules : après tout, le renforcement des grands bassins de population semble inéluctable. Mais garder un équilibre dans l’aménagement du territoire est pourtant primordial.

Taux de vacance commercial en hausse

À la fois cause et symptôme de cette évolution, la dévitalisation des centres-villes en est le phénomène le plus visible. Autrefois coeurs vibrants de la vie sociale, ils se retrouvent souvent laissés à l’abandon, victimes de leur ancienneté et de l’inadéquation de l’immobilier aux besoins actuels.

Le symbole le plus criant de ce déclin des villes petites et moyennes est l’inoccupation des locaux commerciaux. Depuis 2010, selon une récente analyse de l’Institut pour la ville et le commerce, la vacance commerciale s’est accrue d’un point par an pour atteindre, en 2016, 11,3 % en moyenne au coeur des villes de plus de 25.000 habitants.

Cette vacance va, en général, de pair avec un taux de chômage et un taux d’inoccupation des logements élevés, ainsi qu’un taux de pauvreté important, ce qui, au bout du compte, conduit à une perte de population.

E-commerce et périurbanisation

Bien que cette situation résulte de causes multifactorielles, le développement de l’e-commerce en est l’une des principales, du fait de la distorsion fiscale et réglementaire dont il bénéficie et donc de la concurrence déloyale qu’il représente. À l’évidence, le phénomène de périurbanisation résidentielle et commerciale en est une autre. Faute de place suffisante et en quête d’attractivité, les commerces, surtout alimentaires, ont tendance à privilégier les grandes surfaces commerciales de la périphérie.

Les ménages eux, délaissent l’habitat ancien des centres historiques, souvent dégradé et peu adapté à leurs attentes. Clients et commerces ayant besoin les uns des autres, ce cercle vicieux entraîne un dépérissement progressif des centres-villes. À cela s’ajoutent les effets pervers de la politique du logement social, ceux de la piétonnisation à outrance, de l’absence d’animation commerciale, des carences des transports en commun et les tarifs souvent rédhibitoires du stationnement.

Le rôle du politique

Néanmoins, il ne s’agit pas que d’une histoire de fatalité. Certaines décisions politiques sont aussi venues aggraver la situation. La révision générale des politiques publiques (RGPP), en voulant rationaliser l’offre de services et faire des économies, a contribué à fragiliser certains territoires déjà en difficulté. La fermeture d’un tribunal ou d’un hôpital, c’est autant de population qui disparaît et d’attrait en moins pour une ville. C’est aussi le cas quand une école ou une poste ferme.

À l’inverse, des décisions politiques peuvent aider à renverser le cours des choses. Bien sûr, les commerces eux-mêmes doivent se réinventer, par exemple en adaptant leurs horaires d’ouverture et en augmentant la taille de leur établissement. Les autorités locales et l’État doivent cependant prendre leurs responsabilités et commencer par rénover l’habitat, améliorer l’accessibilité et le stationnement afin d’apporter un regain de vitalité. La ville de Cannes (Alpes-Maritimes), championne de sa catégorie avec moins de 6 % de taux de vacance commerciale, est un exemple concret de renouveau de coeur de ville et de dynamisation des commerces de quartiers.

On peut citer, pêle-mêle, bien d’autres initiatives locales : le recrutement de managers de centre-ville pour les municipalités, la taxation des locaux commerciaux et immeubles vides, le lancement d’appels à projets pour les locaux vacants, etc. Par exemple, Épernay (Marne) s’est appuyée sur une stratégie au niveau intercommunal en prenant des mesures courageuses pour limiter les autorisations d’installation de grandes surfaces à la périphérie et préempter les locaux vacants pour leur trouver des repreneurs.

Narbonne (Aude) a créé un Office du commerce, de l’artisanat et des services qui rassemble la mairie, les chambres de commerce, des métiers et les associations de commerçants. Annecy (Haute-Savoie) a pu voir sa population augmenter de 10 % entre 1999 et 2011, après avoir réhabilité son centre historique qui accueille désormais de nombreux habitants à revenus élevés. Ces transformations devraient néanmoins se faire en gardant à l’esprit un impératif de mixité sociale qui inclut notamment des programmes de logements sociaux au lieu de les cantonner trop souvent en périphérie.

L’État, de son côté, doit tout faire pour encourager ces initiatives en offrant aux collectivités les moyens adéquats : à la fois en mettant en place des financements spécifiques et en assurant la soutenabilité financière de ses partenaires locaux. Les récentes tensions entre les collectivités territoriales et le pouvoir central ne doivent pas occulter la responsabilité de chacun. Sauver les centres-villes n’est pas qu’une affaire locale : il y va de la bonne santé économique du pays, bien sûr, mais aussi de la sauvegarde de son histoire et de son patrimoine culturel.

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