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Publié le 8 novembre 2017

Surpopulation carcérale : risques ou périls ?

C’est un sujet qui, malgré l’urgence, aura été peu ou pas évoqué lors des élections du printemps dernier. Dans une relative indifférence, la situation des prisons françaises continue de se dégrader. Le taux d’occupation des maisons d’arrêt atteint 139%, avec des pics à 200% en Ile-de-France et en Outre-Mer.

Pourtant la surpopulation est non seulement indigne, mais nuit à l’efficacité de la réponse pénale car elle ne fait que renforcer la récidive. Mais ce discours est inaudible dans un pays sous tension, où une partie de la classe politique fait son lit du populisme sécuritaire en dénonçant un soi-disant « laxisme » des juges.

L’Etat doit d’urgence actionner tous les leviers disponibles, à commencer par la construction de nouvelles prisons. Mais les programmes immobiliers nécessitent du temps et sont parfois remis en cause au gré des changements de majorité. Il est donc indispensable d’assurer leur stabilité grâce à une loi de programmation qui engage l’action de l’Etat sur plusieurs années, comme cela a été annoncé par la nouvelle garde des Sceaux. On ne peut que se féliciter de la volonté de Nicole Belloubet de s’inscrire dans la lignée de son prédécesseur qui avait annoncé la construction de 33 maisons d’arrêts. L’objectif est de créer 15 000 places supplémentaires d’ici la fin du quinquennat.

Mais il faut aussi se demander si tous ceux actuellement derrière les barreaux sont réellement à leur place. La prison est-elle nécessaire pour des petits délits comme l’usage de stupéfiants ? Les peines alternatives existent, tels que la contrainte pénale ou le travail d’intérêt général, mais les magistrats sont encore réticents à les utiliser, faute de moyens disponibles et de consensus politique et populaire quant à leur utilité.

Enfin, si les juges doivent prendre leur décision en toute souveraineté, ils ne peuvent pour autant s’abstraire de la réalité carcérale. L’utilité de la peine qu’ils prononcent est en jeu. Les magistrats doivent avoir accès aux données sur les flux d’incarcérations, de sorties et sur le parcours des condamnés pour rendre une décision éclairée et adaptée.

Le nouveau gouvernement semble avoir pris la mesure du problème. En Italie, il avait fallu attendre une condamnation inédite de la CEDH en 2013, qui reconnaissait le caractère systémique des conditions de vie carcérale dégradées, pour que des mesures soient enfin prises. Espérons que la France évite cette humiliation et fasse rapidement cesser celle qu’elle inflige actuellement à ses condamnés et à son personnel pénitentiaire.