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Publié le 5 janvier 2018

Formation professionnelle : les enjeux d’une réforme

Publié le 04/01/18

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Après avoir agi sur le Code du travail, Emmanuel Macron s’attaque au deuxième point noir du marché du travail français : la formation.

S’il faut que le pays crée davantage d’emplois, encore faut-il une main-d’oeuvre suffisamment et adéquatement qualifiée pour les occuper. Car les chiffres sont d’une clarté brutale : le taux de chômage des non-diplômés était de 17,9 % en 2016, contre 5,7 % pour les diplômés du supérieur. Qualification et formation représentent donc pour les individus le premier rempart contre le chômage, et pour une société la meilleure garantie de parvenir, sur le long-terme, au quasi-plein emploi. Cela est d’autant plus vrai dans la nouvelle économie qui s’annonce : les emplois d’aujourd’hui ne seront pas les emplois de demain, les carrières seront de plus en plus fragmentées. Outre une solide formation initiale, qui ne laisse personne sur le bord de la route, l’enjeu est celui de la formation tout au long de la vie.

C’est peu de dire que le système actuel ne donne pas satisfaction. Il est coûteux, 31,6 milliards d’euros en 2014, pour une efficacité incertaine, avec de grands écarts sur la qualité des prestations fournies. Jusqu’à récemment il n’existait aucune sélection pour devenir formateur, seule l’obtention d’un numéro d’agrément suffisait. La création en 2016 de la base de données unique « Datadock » par les OPCA (Organismes Paritaires Collecteurs Agréés) et OPACIF (Organismes Paritaires Agréés au titre du Congé Individuel de Formation) y a remédié.

Seulement 14 000 organismes de formation ont répondu aux critères de qualité requis, bien peu au regard des 76 551 prestataires recensés en 2014. La complexité du process et l’énergie nécessaire à mettre en oeuvre pour répondre efficacement à la procédure en ont certainement découragé plus d’un.

Il reste aujourd’hui à relever un enjeu majeur sur les contenus des formations pour ne plus faire coller l’offre à des besoins génériques, mais plus à des demandes précises. En effet, de nombreuses personnes concernées peinent encore à faire valoir leur droit et les formations proposées ne sont pas toujours bien ciblées sur les besoins du salarié et de l’entreprise.

Cet état de fait est encore plus fort auprès des demandeurs d’emploi : en 2016, 44 % des chômeurs ayant suivi une formation étaient toujours sans emploi 6 mois plus tard.

Pour y remédier, le gouvernement s’est fixé trois priorités : dégager plus de financement et réformer le mode de prélèvement en créant une nouvelle contribution unique pour les entreprises, renforcer le rôle du Compte Personnel de Formation (CPF), et rationaliser l’offre de formation. Le CPF, sur lequel le salarié cumule des crédits à la formation, deviendra l’unique outil à sa disposition. Contrairement à la situation actuelle, où son utilisation reste soumise à l’action de divers intermédiaires, comme les responsables de ressources humaines, l’idée est que le salarié puisse utiliser ces crédits à sa convenance. Pour ce faire, une application devrait lui permettre de connaître à tout moment ses droits ainsi que les formations et emplois disponibles. Ensuite, le gouvernement souhaite pousser plus loin le contrôle des prestataires en les incitant à relever leur niveau de qualité via de nombreux systèmes de certification comme par exemple l’ICPF & PSI ou les plus traditionnelles normes ISO.

Autour de ces axes, on voit bien se dégager les deux dimensions de cette réforme. Une dimension collective, qui voit en un tel système la garantie d’une société souhaitant se préserver des affres du chômage de masse. Une dimension individuelle, celle du droit à l’accompagnement au long cours avec la liberté de décider de son parcours ou de son éventuelle reconversion. En cela, les pistes avancées par le gouvernement redonnent de l’autonomie à l’individu tout en lui garantissant la protection nécessaire en cas d’échec. Cette réforme s’ajoute à celles déjà lancées ou annoncées, droit aux allocations chômage en cas de démission ou système de retraite par points, avec lesquelles elle forme un tout assez cohérent.

C’est à une vraie révolution du modèle social français que le gouvernement veut procéder, en le rapprochant des modèles sociaux-démocrates nordiques qui ont intégré depuis fort longtemps la logique de la flex-sécurité. C’est une approche intéressante, mais risquée, tant chaque système est empreint des réalités sociales, économiques et culturelles du pays dans lequel il s’insère.

Reste donc à savoir si la greffe prendra.

Jean-Michel Arnaud, Président du groupe Domaines Publics

Laure Soulage, Directrice Générale de Happy-Few Training

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