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Publié le 23 janvier 2018

Soigner l’hôpital et ses finances

Publié le 23/01/18

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3L’hôpital est dans l’obligation de réaliser des économies, mais la politique du rabot budgétaire n’est pas la solution. Il faut réfléchir à une autre politique de tarification.

Depuis plusieurs mois s’est installé dans le monde de la santé un lourd climat de défiance : déserts médicaux, comportements inappropriés vis-à-vis des patientes, suspicion à l’égard des substances médicamenteuses, etc. Les déclarations intempestives des uns et des autres se multiplient, accentuant une tension déjà bien présente.

C’est la mission fondamentale de notre système de santé qui est attaquée (celle de soigner) et la qualité principale de ses agents (leur bienveillance et leur dévouement). Cette crise, c’est l’hôpital public qui la symbolise le mieux.

La ministre de la Santé Agnès Buzyn a constaté, selon ses propres mots, un risque de «perte de sens» de l’hôpital après des années de politiques fondées principalement sur la rentabilité. Les personnels soignants et les médecins, soumis à une pression constante, considèrent aujourd’hui ne plus être à même de mener à bien leur mission. Patrick Bouet, président du conseil de l’ordre des médecins évoque «le feu qui couve» à l’hôpital.

Manque de moyens et de personnel

Mais avant de soigner l’hôpital, encore faut-il identifier le mal dont il est frappé. L’hôpital public français reste encore aujourd’hui largement plébiscité par les patients. L’étude annuelle de la Haute Autorité de Santé, publiée il y a quelques semaines, révèle de leur côté un très haut degré de satisfaction s’agissant de leur prise en charge par les équipes médicales.

Le plus grand reproche concerne la qualité de la nourriture, un aspect important qui, l’on en conviendra, n’est néanmoins pas crucial. Tout n’est évidemment pas parfait dans le traitement des patients, il y aura toujours trop d’erreurs médicales et de maladies nosocomiales contractées, mais ce n’est pas, pour le moment, l’excellence des soins qui est en jeu.

Le manque de moyens et de personnel est compensé par des professionnels dévoués, mais dont le mal-être atteint des proportions inquiétantes. De l’aide-soignante qui ne peut consacrer plus de cinq minutes à la toilette d’un patient, au médecin contraint de consacrer la moitié de son temps à des tâches de secrétariat, toute la chaîne des soins est touchée.

Plusieurs pistes

Mais entre recherche aveugle de rentabilité et discours caricatural qui considère la moindre considération financière comme un scandale se pose la question suivante : est-il réellement impossible de trouver des sources d’économies sans sacrifier la qualité des soins ?

Poser cette question, c’est déjà y répondre un peu. Mais si l’on veut réaliser ces économies, une nécessité compte tenu de l’état de nos finances publiques, sans porter atteinte à la mission de l’hôpital, il faut réformer le système en profondeur. La politique du rabot budgétaire n’est pas la solution.

Au coeur des critiques se situe la tarification à l’activité, mécanisme qui fait reposer le financement des hôpitaux sur leur activité et donc le nombre d’actes réalisés. Initialement pensé pour les responsabiliser, il les a conduits à augmenter le nombre de leurs interventions, alors même que les personnels n’augmentaient pas et que les ressources stagnaient. Cette logique est aujourd’hui à bout de souffle et devrait être peu à peu abandonnée.

Différentes alternatives s’offrent alors, comme un financement au résultat qui rémunérerait la qualité des soins, le financement au parcours de nature à décloisonner ville et hôpital. Parallèlement, il faut absolument conforter les effectifs soignants présents dans les hôpitaux.

Cela ne veut pas dire pour autant que l’idée d’économies et de responsabilisation devrait disparaître. L’hôpital a un coût, financé qui plus est par les patients eux-mêmes. La ministre de la Santé a pointé plusieurs pistes. Elle estime par exemple qu’au moins un quart des actes réalisés ne sont pas pertinents et pourraient donc être supprimés.

Elle compte aussi sur l’ambulatoire encore insuffisamment développé et sur une mutualisation plus grande de certains frais comme les achats de médicaments. Les groupements hospitaliers de territoire (GHT), qui réunissent les établissements publics de santé d’une même zone géographique, ont notamment été créés pour permettre une gestion mutualisée de certaines fonctions transversales.

C’est à la seule condition d’une réforme d’ampleur que la confiance entre les pouvoirs publics, le personnel médical et les patients peut être restaurée. Partager un risque suppose en effet une relation de confiance : un patient informé, acteur et consentant, des professionnels compétents, bienveillants et coopérants. La fidélité à la promesse initiale établit dans le temps la qualité morale de la relation médecin-malade, un pacte qui, pour reprendre Paul Ricoeur, devient alors une «alliance».

Jean-Michel Arnaud, président du groupe Domaines Publics et Jean-Michel Budet directeur d’hôpital honoraire

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