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Publié le 11 mars 2018

Les trois enjeux de la mobilité durable

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3LE CERCLE/POINT DE VUE – Fini les grands travaux ? La mobilité de demain se pense d’une tout autre manière qu’il y a dix ans, et elle repose sur des enjeux politiques, technologiques et écologiques.

Des changements profonds sont à l’oeuvre dans nos modes de déplacement. On ne parle désormais plus seulement de transports, mais de mobilité, signe d’une attention plus grande donnée au service et à sa qualité, au-delà de l’infrastructure physique.

À l’origine de ce changement de paradigme se trouvent quatre forces – la mobilité devient de plus en plus partagée, connectée, écologique et autonome – qui ont conduit les pouvoirs publics à une inflexion majeure de leur politique de transports. Le gouvernement français a relevé le gant et prépare une loi d’orientation sur les mobilités (LOM), un texte d’importance, sans équivalent depuis le début des années 1980, visant à préparer le pays à ces nouveaux bouleversements.

L’ère des grandes infrastructures est révolue

Dans cette réorientation, c’est sans doute le ferroviaire qui doit s’attendre aux changements les plus radicaux, notamment sur son financement. L’ère des grands travaux et des grandes infrastructures, avec en ligne de mire le TGV, est révolue.

La grande vitesse, qui ne représente que 1% des déplacements , attire depuis plusieurs décennies une part substantielle des investissements, laissant les lignes locales, pourtant cruciales aux déplacements du quotidien, se détériorer.

Le gouvernement a donc décidé une pause dans la construction de nouvelles lignes à grande vitesse et repoussé sine die certains grands projets. L’ouverture à la concurrence, prévue en 2020 pour le TGV et en 2023 pour les lignes régionales, va également conduire la SNCF, déjà fragilisée, à changer de modèle économique. Le rapport élaboré par Jean-Cyril Spinetta contient à ce titre des recommandations explosives, notamment sur la remise en question du statut de cheminot.

L’enjeu politique

Mais cette nouvelle loi doit surtout permettre d’adapter le réseau de transports français aux mutations en cours. La première de ces mutations est celle du partage : c’est l’essor du covoiturage, de la voiture et des vélos en libre-service. La possession est remise en question au profit de l’usage.

Lire aussi :
> Ajustements de calendrier pour la future loi sur les mobilités
> SNCF : les propositions explosives du rapport Spinetta

Le covoiturage et l’autopartage doivent être soutenus, car malgré leur popularité grandissante, ces secteurs font encore face à des difficultés économiques. C’est le cas du réseau Autolib’ ou du service BlaBlaCar, qui connaissent pourtant un franc succès. Mais plus fondamentalement, pour pouvoir décoller, ces modes de partage doivent se coupler à une politique plus restrictive vis-à-vis de la voiture individuelle, politique qui, on le voit à Paris, n’est pas sans provoquer des réticences.

L’enjeu technologique

En deuxième lieu, les transports sont travaillés par des bouleversements technologiques.

Sans application, pas de service de VTC, de vélos en free-floating (non rattachés à une borne) et, bientôt, de paiement des transports en commun par smartphone.

Ces applications, bénéfiques, ont aussi pu bouleverser certains équilibres. C’est le cas de l’application Waze qui, en suggérant aux automobilistes de nouveaux parcours, conduit à l’envahissement de certaines routes jusque-là peu fréquentées et inadaptées à ce flot soudain de véhicules.

La LOM devra donc maintenir une balance entre innovation et régulation. Les pouvoirs publics devront ensuite aussi se confronter à la question de la voiture autonome, pour laquelle des obstacles techniques majeurs subsistent, et qui nécessite la définition d’un cadre juridique répondant aux questions cruciales de sécurité et de responsabilité.

L’enjeu écologique

Vient ensuite, dans un troisième temps, le tournant écologique, qui concerne au premier chef le secteur très polluant des transports. Le virage commence à être pris s’agissant des véhicules électriques, mais le faible nombre de bornes disponibles continue à agir comme un frein à son développement.

L’investissement progresse aussi s’agissant du vélo, même si dans ces deux domaines, la France reste encore loin du nord de l’Europe.

En 2017 en Norvège, 21% des voitures neuves vendues étaient des véhicules zéro émission et plus de la moitié d’entre elles étaient électriques ou hybrides.

Copenhague et Amsterdam sont, quant à elles, les capitales incontestées du vélo, 41% des habitants de la première l’utilisant quotidiennement. Dans le cas de ces deux modes de mobilité, ce sont des investissements massifs qui ont permis d’aboutir à ce résultat : incitations fiscales et pécuniaires en Norvège pour les détenteurs de véhicules électriques, constructions de voies, de ponts et de places de stationnement au Danemark et aux Pays-Bas, pour encourager le cyclisme.

Le gouvernement semble avoir pris la mesure de ces défis en ayant organisé au dernier trimestre 2017 des Assises nationales de la mobilité réunissant tous les acteurs du secteur.

Il devra aussi, dans le cadre de la LOM, apporter des solutions aux « zones blanches », ces portions du territoire qui demeurent mal connectées au reste du pays, et qui mettent à mal l’égalité des citoyens dans un de leurs droits les plus sacrés : celui de se déplacer.

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