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Publié le 21 juin 2018

Dépenses publiques : sortir de la logique comptable

Publié le 19/06/2018

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789LE CERCLE/POINT DE VUE – Des économies structurelles ne peuvent être réalisées par l’Etat avant qu’il ait lui-même redéfini son périmètre.

Conjointement à son projet de réforme de l’État, le gouvernement a annoncé un «plan de départs volontaires» dans la fonction publique lui permettant d’atteindre son objectif de 120.000 suppressions de postes d’ici la fin du quinquennat.

Lier ces deux sujets est une bonne méthode, car la diminution des effectifs, même souhaitable, ne saurait être une fin en soi et se faire au détriment de la qualité du service public et d’une réflexion plus globale sur les missions confiées à l’État. Cette stratégie n’est certes pas nouvelle, c’était déjà la logique de la révision générale des politiques publiques (RGPP), mais elle n’a jamais vraiment été mise en oeuvre. Les gouvernements précédents ont privilégié la technique du rabot, qui, si elle dispense d’une réflexion en profondeur, génère le plus souvent frustration et dysfonctionnements dans les administrations concernées.

Le gouvernement doit prioritairement aborder la question du périmètre de l’État, une exigence d’ailleurs posée en préalable par les syndicats, qui gardent pour le moment une attitude ouverte. Au-delà des ponts aux ânes que sont le recentrage sur l’État stratège ou l’État régalien, trois réflexions devraient guider toute entreprise de réforme de l’action publique.

Priorités de l’Etat

Il faut tout d’abord définir clairement les priorités de l’État. Traditionnellement, on y inscrit le régalien : la police, la justice et la défense, entre autres. Mais d’autres exigences ont été formulées à travers le temps, comme la santé ou l’éducation, dont il est bien évidemment hors de question que l’État se désengage.

Définir ces priorités peut sembler facile au premier abord, mais le débat est en réalité miné. Car chaque fois que l’État prend en charge une mission, son désengagement se fait ressentir et sera invariablement dénoncé comme un abandon. Si cette réflexion doit être menée, ce n’est donc sans doute pas d’elle que viendront les solutions les plus radicales.

Echeveau des compétences

En revanche, il y a urgence à démêler l’écheveau des compétences et à clarifier les responsabilités de chacun. Entre une Union européenne dont les pouvoirs vont continuer à se renforcer, notamment sur les sujets régaliens – que l’on pense à la défense, au parquet européen ou à la question des frontières et des migrations – et des collectivités locales qui sont désormais à peu près actives sur tous les sujets, il n’est pas aisé de comprendre qui s’occupe véritablement de quoi. Un audit généralisé du secteur public est nécessaire, avec à la clé l’identification et la suppression des doublons à tous les échelons.

Enfin, il faut poser sereinement la question de la gestion des services publics par le secteur privé. On considère souvent, par principe, que le privé gère mieux que le public. Cela est souvent vrai, parfois faux, mais dépend surtout d’éléments circonstanciels. Il n’y a pas de loi d’airain en la matière. Néanmoins, dès que cela est possible et souhaitable, compte tenu de la nature du service, l’idée de délégation doit s’imposer. Le privé, sous le contrôle de l’État, peut parfaitement exercer nombre de ses missions sans que cela ne remette en cause les principes fondateurs de l’égalité et de la continuité des services publics. Il faut passer de l’État prestataire à l’État régulateur.

Une réflexion non-figée

C’est une fois ces questions posées et une fois les transformations d’ampleur engagées que les économies nécessaires pourront être faites. Les efforts sont inéluctables, la dépense publique française est une des plus élevées d’Europe et représente 54,7 % du PIB, mais la baisse de celle-ci doit être la résultante de réformes structurelles et pas leur préalable.

C’est à cette condition que la dépense gagnera en efficacité et en légitimité, les contribuables étant en droit de savoir précisément à quelles finalités leur argent est employé, sans remettre en cause la solidarité qui est à la base du modèle social français.

Il est évident que cette réflexion n’est pas figée dans le temps et n’apportera pas de réponses immédiates et conclusives. L’État est en constante évolution. Pour autant, elle mérite d’être engagée et poursuivie sur le long terme, pour éviter que la logique budgétaire et la pression médiatique ne soient les seules à la manoeuvre sur ce dossier crucial. Il n’y a en effet pas de question plus fondamentale et politique que de se demander pourquoi une société se donne un État et un gouvernement.

 

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