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Publié le 21 juin 2018

La commande publique : un levier de politique économique

Publié le 19/06/18

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782Le poids de la commande publique est loin d’être négligeable : 77,3 milliards d’euros en France en 2017 et 9 000 milliards de dollars dans le monde en 2014.

Un peu arides en apparence, les règles qui gouvernent la commande publique sont fondamentales. En définissant des procédures transparentes et compétitives, elles permettent bien sûr de limiter la corruption, le favoritisme et de garantir le meilleur usage possible des deniers publics, mais elles peuvent aussi contribuer à divers objectifs économiques, sociaux ou environnementaux. Le poids de la commande publique, en effet, est loin d’être négligeable : 77,3 milliards d’euros en France en 2017 et 9 000 milliards de dollars dans le monde en 2014. Ce n’est donc pas un hasard si ces règles sont principalement fixées au niveau européen, afin de permettre la plus large compétition possible et d’éviter que des Etats membres ne tentent de (trop) favoriser leurs acteurs nationaux. Elles ne sont pas un simple outil procédural mais un véritable levier de politique économique.

Le premier enjeu réside dans la définition même de ces règles. Suffisamment contraignantes pour s’assurer que les compétiteurs sont traités équitablement, elles ne doivent pas être trop lourdes et se transformer en obstacle. La réforme entrée en vigueur en avril 2016 apporte des inflexions bienvenues. Deux seuils uniques ont été introduits, un pour l’Etat et un pour les collectivités, en dessous duquel les marchés publics peuvent être passés de manière plus souple. Le champ de la négociation a été élargi, par l’introduction de nouvelles procédures qui permettent aux acteurs publics d’échanger avec les entreprises en amont de la conclusion du contrat. Grâce au « sourcing », par exemple, l’autorité publique peut rencontrer des entreprises actives sur un marché avant d’élaborer ses appels d’offres, afin de mieux adapter le cahier des charges à la réalité du secteur sollicité. La dématérialisation fait aussi son chemin et s’imposera à tous à partir du 1er octobre 2018. Simplification et souplesse doivent permettre de renforcer la participation des acteurs privés aux procédures et d’améliorer l’adéquation de leur offre aux projets qui leurs sont proposés.

Mais si l’évolution de ces règles est la bienvenue, un deuxième enjeu indissociable réside dans la professionnalisation des acteurs, notamment au sein des entités publiques. Acheteur public est un métier qui ne se limite pas à la simple connaissance des outils juridiques mais suppose la maîtrise de tout l’écosystème des marchés publics. L’offre de formation devrait donc être rationalisée et renforcée. A titre d’exemple, il est évident que le sourcing nécessite l’embauche de professionnels dédiés, susceptibles de comprendre l’environnement économique des entreprises avec lesquelles ils sont en contact ou d’apporter une expertise technique en cas de besoin. Par ailleurs, la mutualisation de la commande publique grâce à la création de centrale d’achat à l’initiative des régions ou des départements sera aussi un corollaire de cette professionnalisation.

C’est avec des règles efficaces et mises en œuvre par des professionnels que les marchés publics peuvent remplir les nombreux objectifs qui leur sont assignés. Au-delà d’une utilisation saine et efficiente des fonds publics, qui demeure la raison d’être de ces règles, émergent d’autres objectifs socio-économiques, parmi lesquels figure en bonne place le soutien aux PME et TPE, souvent écartées de facto de marchés publics encore taillés pour les grandes entreprises. Les procédures ont certes été adaptées, notamment via l’allotissement, sans que cela ait amélioré leur accès à la commande publique de manière significative. L’obstacle principal réside en effet dans le non-respect des délais de paiement par les autorités publiques, qui pénalise fortement des entreprises à la trésorerie limitée et au besoin en fonds de roulement élevé.

Les marchés publics s’ouvrent aussi à la recherche et développement via l’introduction récente des partenariats d’innovation, qui consistent à développer avec un acteur privé une solution inexistante sur le marché. Cette solution, qui intéresse la modernisation du service public, est encore peu utilisée à cause des risques que prend l’entreprise sans savoir si son investissement dans la phase de R&D sera récompensé à terme.

En constante évolution, la commande publique est loin d’avoir fait sa mue. Une prochaine étape dans la simplification pourrait consister à unifier les procédures applicables aux contrats passés entre la puissance publique et les opérateurs privés : marchés publics stricto sensu, mais aussi concessions, baux et autres autorisations d’occupation du domaine public, vente de terrain, etc. Dans le même temps, certaines règles pourraient être assouplies afin de permettre une meilleure prise en compte d’intérêts non pécuniaires tels que la promotion des circuits courts, rendue pour le moment difficile par l’interdiction de toute clause géographique dans les marchés publics.

Mais, en toute hypothèse, les principes fondamentaux de l’égalité de traitement, de la liberté d’accès et de la transparence seront toujours les piliers du droit de la commande publique, avec le double objectif d’assurer l’efficacité de la dépense publique et la bonne utilisation des deniers publics.

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