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Publié le 4 octobre 2018

Au plus bas dans les sondages, Emmanuel Macron déjà à un moment décisif de son quinquennat

Publié le 26/09/2018

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La grande force d’Emmanuel Macron est d’avoir tant bousculé le champ politique qu’aucun autre que lui n’est en mesure d’incarner une opposition crédible.

Scandales, couacs, démissions: un an après son élection, le Président qui avait tant fait pour se démarquer est rattrapé par le « vieux monde ». Les derniers sondages indiquent qu’il ne rassemble derrière lui guère plus que le nombre d’électeurs – et peut être pas les mêmes – lui ayant fait confiance au premier tour. C’est un moment charnière, car il peut décider de la suite de son quinquennat.

Deux lignes de force apparaissent dans la stratégie d’Emmanuel Macron, qui se sont sans doute construites pendant son expérience ministérielle au sein du précédent gouvernement. C’est là qu’il a pris conscience de l’urgence des réformes et de l’attente de l’opinion vis-à-vis d’elles. C’est là aussi qu’il a pris la mesure des forces qui bloquaient ces réformes, parmi lesquelles figure en bonne place un système partisan à bout de souffle. Plus important encore, il a pu observer de près l’affaiblissement considérable de l’autorité du chef de l’Etat et son image dégradée, qui l’ont rapidement conduit, faute de légitimité, à l’immobilisme.

C’est fort de ce constat qu’il a bâti sa stratégie et débuté son mandat. Il a contourné les forces politiques en place pour bâtir une nouvelle majorité, avec le succès que l’on connaît. Il a renoué avec une certaine symbolique et une verticalité du pouvoir, s’est attelé aux réformes rapidement sans rien céder à ses adversaires. Cette tactique a porté ses fruits. Les premiers mois ont vu l’adoption de certaines des réformes phares de son programme, dont la loi travail, sans qu’aucun front politico-syndical ne puisse les empêcher. La restauration de l’autorité du Président, couplée à l’image d’une France respectée à l’international, a été apprécié par les Français.

C’est justement l’affaiblissement de ces deux piliers qui peut expliquer le trou d’air que traverse en ce moment Emmanuel Macron. Les réformes n’ont pour le moment pas eu l’effet escompté sur l’économie alors que l’impatience des Français est grande. Plus gênant encore, la multiplication de faits mineurs remettent en cause ce qui constitue la force d’Emmanuel Macron, son côté novateur et son autorité. L’affaire Benalla n’est sans doute pas une affaire d’Etat, mais elle rappelle les petits arrangements habituels du présidentialisme français. La démission de Nicolas Hulot, annoncée avant même que le gouvernement soit au courant, met à mal son autorité. La valse-hésitation sur le prélèvement à la source donne un sentiment d’improvisation. Tout cela contribue à « normaliser » Emmanuel Macron.

Néanmoins, même à niveau de popularité égale, sa situation reste bien moins problématique que celle de ses prédécesseurs. Il se distingue de François Hollande car il garde le soutien indéfectible de son camp, quand celui-ci fut sous le feu d’une partie de sa majorité pendant tout son quinquennat. Nul procès en trahison n’est fait à Emmanuel Macron. Sa situation rappelle peut-être plus celle d’un Nicolas Sarkozy qui lui aussi clivait, mais conservait le soutien de sa base. Mais il était toutefois confronté à une opposition de gauche identifiée, unie, représentant une véritable alternative. La grande force d’Emmanuel Macron est d’avoir tant bousculé le champ politique qu’aucun autre que lui n’est en mesure d’incarner une opposition crédible. Les extrêmes sont stables, mais nul n’ose imaginer Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen à l’Elysée. La gauche modérée a été réduite à portion congrue, tandis que la droite classique n’a jamais été autant divisée et ne parvient pas à être audible face à un Président qui mène des réformes qu’elle devrait objectivement soutenir.

Le moment est néanmoins périlleux. Le socle d’Emmanuel Macron s’est déplacé vers la droite, un électorat sensible aux questions identitaires et sociétales (immigration, Europe, bioéthique) qui seront au menu des prochains mois. Le risque de voir ce socle se fissurer un peu plus est donc réel. Emmanuel Macron devrait donc corriger le tir s’il veut conserver sa stature et sa capacité à réformer, qui lui sont vitales. L’absence de troupes autour de lui, que ce soit dans les ministères ou au sein de La République en Marche, l’expose à toutes les attaques. Il serait donc dans son intérêt de faire émerger au sein du parti majoritaire et de son groupe à l’Assemblée Nationale des figures susceptibles de partager avec lui la responsabilité de sa politique. Dans le même temps, retrouver de la hauteur et un peu de sobriété dans sa communication lui serait sans doute utile, notamment en mettant fin à ces « petites phrases » à répétition qui ont conduit à brouiller son image.

Ce ne sont certes pas ces aménagements qui permettront d’inverser la courbe des sondages, mais il sont nécessaires pour traverser la période difficile qui s’annonce pour le pouvoir macronien, garder le cap, et attendre que les résultats escomptés se manifestent. Car ce sont eux, in fine, qui scelleront le destin de ce quinquennat.

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