OPINION. Comme d’autres secteurs, le transport ferroviaire a pâti de la crise sanitaire, mais son potentiel de développement en France est prometteur si certaines conditions sont remplies. Par Jean-Michel Arnaud.
L’impératif climatique et les déboires du transport aérien, touché de plein fouet par la pandémie et la diminution drastique du trafic de voyageurs, ont remis le train sur le devant de la scène. Quelle meilleure illustration que la suppression prévue dans le projet de loi Climat et Résilience des liaisons aériennes courtes lorsque celles-ci sont en concurrence avec une alternative ferroviaire d’une durée de moins de 2h30. Rallier Nantes, Lyon ou Bordeaux depuis la capitale ne sera désormais plus possible en avion.
Pertes abyssales
Ce n’est pas que le train ait été épargné par la crise sanitaire, il a également enregistré des pertes abyssales de recettes commerciales, mais son rôle central dans les déplacements du quotidien et son impact environnemental plus limité que ceux de ses concurrents en font un élément incontournable de la reprise. Pour amorcer sa pleine renaissance, le train devra reconquérir des usagers dont les habitudes ont été bouleversées par la pandémie – généralisation du télétravail, retour de la voiture individuelle – et qui craignent encore parfois d’être contaminés dans des wagons trop bondés.
Le ferroviaire est au cœur du plan de relance européen et de son déploiement sur le territoire national. Avec son « Pacte vert », l’Union européenne poursuivait déjà l’ambition de doubler le trafic de fret d’ici à 2050 et le trafic à grande vitesse d’ici à 2030 sur le continent. Au niveau national, ce sont 4,7 milliards d’euros de l’enveloppe issue du plan de relance adopté par l’Union qui vont être consacrés au ferroviaire, dont une grande partie sera mobilisée pour régénérer un réseau devenu vétuste.
Le fret, un levier de développement
En France, le fret est un levier de développement particulièrement précieux. Le pays accumule le retard en la matière, puisque le fret y représente seulement 9% du trafic de marchandises, loin derrière l’Allemagne (18%), l’Autriche (32%) ou la Suisse (35%). Le modèle routier, plus compétitif et plus souple, reste dominant. Le Gouvernement a récemment annoncé des premières mesures de soutien au secteur, passant notamment par la réouverture de trois autoroutes ferroviaires Nord-Sud. Le réseau doit être modernisé et, plus largement, c’est l’organisation générale du transport ferroviaire de marchandises qui doit être revue pour en atténuer la lourdeur et mieux la synchroniser avec le temps entrepreneurial.
Même si son bilan carbone est déjà satisfaisant, le train pourrait continuer sa mue avec l’arrivée des premières rames à hydrogènes, segment sur lequel le fleuron français Alstom se positionne en pointe, promesse d’un train qui garantit zéro émission. C’est en tout cas le pari que fait le Gouvernement en apportant son soutien financier aux régions qui souhaitent accompagner ce développement, les premiers prototypes de trains ne devant pas voir le jour avant 2023. Reste à voir si cette technologie, qui demande d’ores et déjà des efforts financiers phénoménaux, parviendra à être déployée sur une plus grande échelle.
Mieux prendre en compte les exigences des usagers
Pour renforcer l’attractivité du train dans la population, les opérateurs s’attachent aussi à mieux prendre en compte les exigences des usagers. On trouve au rang de constantes les exigences de sécurité, de fiabilité et de ponctualité, qui font l’objet d’une attention toute particulière de la part des organisateurs de transport et des pouvoirs publics. D’autres sujets montent en puissance, comme mettre fin au « maquis tarifaire » de la SNCF dans lequel viennent souvent se perdre les usagers. Améliorer l’intermodalité s’impose également comme un thème central, dans le but de permettre aux voyageurs de passer d’un moyen de transport à l’autre de manière plus simple. Cela passe notamment par des aménagements autour des gares, comme l’installation de garages à vélo dans les villes et de parkings en milieux rural, par des services de billetterie et d’information centralisés sur une interface unique.
Des innovations viendront peut-être de l’arrivée d’offres concurrentes sur le réseau français, à la fois porteuses de nouvelles solutions et aiguillon pour l’opérateur historique. Cette ouverture du marché reste pour le moment poussive. Une chose est certaine, le rôle de l’Etat comme investisseur et comme garant du bon fonctionnement du réseau restera central. Le train est un enjeu majeur de demain, de souveraineté, pourrait-on dire, si l’on voulait céder à la dernière tendance.