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Publié le 10 août 2017

Intelligence artificielle : jusqu’où ?

Déjà présente dans des logiciels experts ou des objets connectés, l’intelligence artificielle voit son horizon s’élargir avec les progrès remarquables de ces dernières années : de l’automatisation de certaines tâches à la rédaction de textes, de la création artistique au diagnostic médical. Si elle suscite des craintes sur une possible raréfaction du travail, elle est avant tout un enjeu crucial pour l’innovation et décidera de la place de chaque pays dans la mondialisation.

De ce point de vue, la France est distancée. Alors même qu’elle compte d’excellentes universités et des spécialistes de renom, elle subit de plein fouet la concurrence farouche de puissantes entreprises privées et d’États volontaristes comme les États-Unis ou la Chine, au risque de perdre sa souveraineté dans un domaine stratégique. Le plan France Intelligence Artificielle lancé dans les dernières semaines du quinquennat Hollande est porteur d’une forte ambition, notamment en termes d’investissements publics pour la recherche et de création de liens entre l’université et l’industrie. Il faut souhaiter que ce chantier soit poursuivi par le gouvernement actuel, car la France ne peut se permettre de pause.

Autre enjeu fondamental, celui du droit. Tandis que la machine commence à prendre des décisions autonomes, la question de la responsabilité en cas de faute se pose. Par exemple lors d’un accident de la route impliquant une voiture sans chauffeur… Cette question sera au cœur des débats, avec comme objectif d’apporter une sécurité juridique sans freiner l’innovation.

Évidemment, les questions éthiques sont primordiales. Aux États-Unis, des biais raciaux ont déjà été constatés chez certaines machines chargées de guider des décisions judiciaires, nourries elles-mêmes par des données biaisées, par exemple du fait de la surreprésentation des Afro-Américains parmi la population carcérale. Avant d’appliquer l’intelligence artificielle à des domaines sensibles, encore faut-il comprendre sa logique et l’encadrer. Auteur d’un rapport sur l’intelligence artificielle et les droits de l’homme pour le Conseil de l’Europe, l’ancien député Jean-Yves Le Déaut préconise aussi la création d’un droit à privilégier de la qualité des relations humaines plutôt que d’un robot pour l’éducation des enfants ou encore les soins aux personnes âgées et handicapées.

Aux pouvoirs publics de veiller à ce que l’intelligence artificielle, qui suscite autant d’attentes que de craintes, ne se transforme pas en cauchemar, comme ont pu le suggérer tant de films d’anticipation.