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Publié le 5 juillet 2016

Réforme territoriale : la naissance de monstres administratifs

Depuis 2012, le Parlement a adopté trois lois modifiant l’organisation territoriale de notre pays : la loi portant sur la nouvelle organisation du territoire (NOTRe), la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) et la loi relative aux élections régionales et départementales. Après le temps législatif, place à la mise en œuvre.

 Annoncée comme une loi de décentralisation, cette réforme cherche davantage à transférer de nouvelles compétences, à clarifier les relations entre les collectivités, à simplifier ce qui peut l’être et à inciter à des rapprochements. Les trois lois consacrent ainsi la montée en compétences des métropoles et des régions. Elles suppriment les clauses de compétence générale (hormis pour les communes) et recentrent le département sur son rôle « social ». Elles donnent une ampleur plus grande aux intercommunalités, seuls moyens pour les petites communes d’assumer leurs missions. Ce nouvel acte introduit aussi des éléments de souplesse. D’abord, les conférences territoriales d’action publique (CTAP), s’inspirant du « B16 » breton, organisent la concertation locale. La loi encourage ensuite l’Etat à transférer des compétences supplémentaires aux collectivités qui le souhaitent. Enfin, des collectivités aux caractéristiques spécifiques – métropole lyonnaise, intercommunalité géante du Pays basque, collectivité unique corse – peuvent s’affirmer dans le cadre de  statuts sur mesure.

Malgré ces avancées, ces dispositions continuent d’obéir à une logique de « petits pas ». Le principe constitutionnel de non-tutelle d’une collectivité sur une autre empêche le développement d’un leadership local et justifie l’arbitrage de l’Etat. Au lieu de supprimer le département, la loi le dévitalise en attendant de voir s’il peut jouer un rôle d’intermédiaire auprès des territoires isolés dans les grandes régions. Des rapprochements donnent parfois naissance à des « monstres administratifs » dont la gouvernance reste à inventer. La métropole du Grand Paris peine à exister entre la région, les départements et les douze nouveaux établissements publics territoriaux (EPT). Aux structures existantes s’ajoutent d’autres structures qui, de fait, accroissent les coûts de fonctionnement. Enfin, la réforme des finances locales demeure en suspens.

Décentraliser n’est pas une fin en soi. L’enjeu consiste plutôt à identifier les échelons les plus pertinents sur les plans économique et démocratique, pour les aider ensuite à se développer.